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27 janvier 2017 5 27 /01 /janvier /2017 01:32

Au crépuscule d'une carrière universitaire dont il n'espère plus rien, le professeur d'Histoire Javier Leonardo Borges retrouve foi en son métier et en son ego avec la découverte troublante d'un lien caché, improbable, entre les civilisations aztèque et turque du XVIème siècle. Une révélation sans précédent qui ébranlera ses connaissances, jusqu'au sens de la notion d'Histoire.

Comme en écho à la figure tutélaire qui le hante en filigrane – celle de Jorge Luis Borges – Comment les grands de ce monde se promènent en bateau propose de revisiter l'Histoire sous la forme d'une pure et réjouissante fiction. Un roman fantaisiste d'enquête et d'aventure s'ouvrant sur les recherches d'un professeur grincheux pour donner progressivement la parole aux actants mêmes de l'Histoire, dans un superbe mouvement de glissement énonciatif, presque cinématographique. Déroutant peu à peu nos repères narratifs et brouillant sans cesse les indices d'une véracité bien subjective (la vérité est toujours ailleurs), Mélanie Sadler bâtit son intrigue comme un dialogue fantasmé entre le chercheur et le vivant sujet de ses recherches. Plus qu'un enchaînement de faits vérifiables, l'Histoire résonne ici comme la somme sibylline, nébuleuse, d'une multitude de points de vue, de voix entremêlées.

Rocambolesque dans l'audace fictionnelle de ses révélations, efficace dans la forme concise qu'il adopte (enchaînement quasi filmique de courts chapitres) et animé par une plume aussi malicieuse qu'élégante, ce roman se donne à lire comme un conte, celui d'un chercheur désenchanté réenchantant bien malgré lui la trame d'une Histoire tout sauf irrécusable. Une fabulation jubilatoire dans l'ironie permanente que décoche son auteure sur un monde professoral dont elle connaît le moindre rouage. Une fable polyphonique et polysémique de belle facture, qui s'érige, à contre-courant de la médiocrité et du premier degré galopants, comme un hymne à l'ambiguïté salvatrice du doute, à l'art du questionnement sous toutes ses formes, pour s'achever en une puissante image poétique sur l'héritage et la postérité. Sobresaliente !

 

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