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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 01:38

copieconforme

Faut-il forcément porter aux nues les films montrés à Cannes, de peur de passer pour un imbécile ? Ma réponse est « non ». Un « non » plus que jamais assumé, après avoir littéralement subi le dernier film de Abbas Kiarostami, Copie conforme, unanimement encensé par la presse.

Un triomphe affolant, voire effrayant, car Copie conforme (quel titre alléchant) ne soulève absolument aucun intérêt cinématographique. De quoi ça parle ? D'une antiquaire (Binoche) qui retrouve son mari ingrat, théoricien de l'art de son état, revenu dans un village de Toscane pour faire la promotion de son dernier ouvrage devant une poignée de pédants. Le film démarre par l'interminable captation de la conférence sur le livre, d'un ennui abyssal, se poursuit avec les engueulades tordues du couple (oui, le couple est toujours névrosé dans le cinéma intello) à travers un dédale de ruelles de cartes postales, pour s'achever dans une minuscule chambre d'hôtel, où monsieur se regarde dans un miroir avant de sortir du cadre. Le propos, aussi excitant et plaisant que les escarmouches nocturnes de mes voisins du dessus, se voit magnifié dans sa nullité par une mise en scène à la platitude terrifiante, au rythme comateux. Binoche chiale, se maquille, se démaquille, marche, s'arrête, s'assoit, se relève. William Shimell s'ennuie, se morfond, se languit, tourne en rond, soupire, s'ennuie, se morfond, se languit, hausse un peu la voix, se calme, crispe son visage, s'ennuie, se morfond, se languit. Le tout filmé en plans séquences, fixes, horriblement bavards, pour bien montrer qu'on a de la bouteille... dans l'art de prendre le spectateur moyen pour un demeuré et de flatter la sinistre libido de quelques adorateurs du cinéma de la vacuité, ces mêmes créatures étranges, heureusement en voie de disparition, qui connaissent (ou prétendent connaître) l'extase devant la blancheur totale et immaculée de certains tableaux.

En parlant d'esthétique, c'est justement là que le film de Kiarostami vient tutoyer les sommets de la bêtise, au sein d'un paradoxe dont on ne saurait dire s'il est effrayant ou risible : ça blablate sur l'art, sans jamais atteindre la moindre dimension artistique. Avec une élégance et une audace scénaristiques empruntées aux mauvais feuilletons télévisuels du samedi après-midi, avec l'académisme de ses cadrages, que même le plus fervent élève de la Fémis pourrait renier, Copie conforme se présente sous les traits du plus rigoureux électro-cardiodrame plat. Comment un tel film, aussi peu ambitieux, aussi rasant qu'une conférence entre théoriciens poussiéreux, a-t-il pu trouver les faveurs des sélectionneurs de Cannes ? Plutôt que de lui réserver un triomphe, uniquement parce que les saints messieurs du Festival l'ont choisi, il serait grand temps d'arrêter de prendre la sélection cannoise pour parole d'Évangile, et surtout, cesser de s'agenouiller devant les figures soi-disant tutélaires de la Croisette. De la fadaise présentée sur un plateau d'argent restera indéfectiblement de la fadaise ! La presse a décidé de ne voir que le chatoiement du plateau. Respecter un film qui méprise la réalité même de spectateur ? Que son auteur a conçu pour le seul cercle hermétique de ses adorateurs ? Plutôt se faire hara-kiri que de cautionner une telle escroquerie ! A bon entendeur...

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commentaires

G
Effectivement, ça fait pas de mal, un peu de débat! De toute façon, les films qui créent une division sont souvent, quoi qu'on en pense, les plus intéressants. Merci pour le compliment, que je te retourne, j'avais déjà remarqué qu'on était globalement plutôt d'accord (bravo pour la critique de Ames en stock, qu'on est trop peu à avoir vu, malheureusement).
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M
La comparaison avec les adorateurs de toiles blanches est une pique lancée contre les pédants en général, dans un élan de colère, un coup de gueule dans un contexte de ras-le-bol et d'indigestion intellectuelle.<br /> Je conçois tout à fait qu'on puisse apprécier Kiarostami indépendamment de ce genre de peinture.<br /> Tu dis que Copie conforme est un rêve... pour moi, c'est tout le contraire, je le trouve extrêmement "ras des pâquerettes". Et surtout, ce que j'ai beaucoup de mal à concevoir, c'est le non-mouvement au cinéma, un art qui jusque dans son étymologie trouve justement son entière signification dans le mouvement.<br /> <br /> Sinon, je viens d'aller faire un tour sur ton excellent blog. Je vois qu'on s'accorde sur d'autres films (contrairement au Kiarostami), comme Kick-Ass ou Shutter Island.<br /> <br /> En tout cas, merci pour ton avis, un peu de débat autour d'un film ne fait jamais de mal !
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G
Donc, si je comprends bien, je suis celui qui s'extasierait devant un tableau d'une blancheur immaculée, je suis un intello lourdingue, sans intérêt, un adorateur de vide abyssal et j'en passe? <br /> Et merde...<br /> Plus sérieusement, j'ai beaucoup aimé Copie Conforme, que je trouve au contraire audacieux et passionnant, autant que passionné. Une bouffée d'air brillamment filmée, un rêve dans lequel on accepte ou pas de se laisser porter...
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M
Teresa..................................................................... (trois heures plus tard).....Teresa..................................................................................................................................................Zzzzzzzzzzz............
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C
Même si je suis un poil plus mesuré que toi, en gros je pense la même chose.
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