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16 octobre 2011 7 16 /10 /octobre /2011 22:34

le voleur malle

Adapté d'un roman de Georges Darien, Le Voleur de Louis Malle sort en 1966, au beau milieu d'une décennie marquée par l'insouciance, théâtre d'une révolution des mœurs. En contrepoint à cette légèreté, à contre-courant d'un âge d'or du western et de la comédie musicale, annonçant presque Le Cercle Rouge et Le Samouraï de Melville, le cinéaste offre un thriller d'une noirceur et d'une sécheresse inquiétantes, se déroulant au crépuscule du XIXème siècle. Nimbé d'une atmosphère proustienne, Le Voleur dresse le portrait d'un homme qui a fait du larcin un art de vivre en marge, son credo, sa raison d'être en n'étant plus. En n'étant plus qu'une ombre sans vie, un fantôme, la mauvaise conscience de son temps, selon un mode d'existence foncièrement paradoxal : saigner un monde rongé par la cupidité, au prix d'une terrible auto-destruction.

Rarement le sujet d'un film aura autant conditionné sa forme : au-delà du portrait, Louis Malle fait du vol le moteur de sa mise en scène, à travers des mouvements de caméra aussi efficaces que minimalistes, un montage, une gestion de l'espace et un jeu d'acteurs millimétrés, montrant les effractions en temps réel, parfois en plans séquences, dépouillant son objet filmique de toute musique, de tout effet spectaculaire gratuit. La maîtrise du metteur en scène trouve un équivalent troublant dans celle du voleur, George Randal, incarné par un Jean-Paul Belmondo à contre-emploi, qui apparaît progressivement, au fil de ses crimes, comme le centre de gravité d'une vision désenchantée du monde, un monde sclérosé, rongé par la folie de l'argent, peuplé de vieux bourgeois libidineux et de mondaines aussi capricieuses que sournoises, préfigurant avec une lucidité redoutable notre actuelle société capitaliste. Robin des Bois des temps modernes, désabusé et cynique, George Randal ne trouve sa place dans cet univers crépusculaire qu'en le volant, véritable Jacques Mesrine de la « belle époque », l'exubérance en moins. Car s'il partage avec le célèbre bandit clichois le même mépris des possédants, Randal suit sa voie propre, plus discrète, moins pétaradante, celle d'un loup solitaire, silencieux, ne se vantant jamais de ses forfaits, les avouant presque avec douleur à ses rares confidents, tel l'inoubliable abbé Félix, bandit incarné par Julien Guiomar.

Vivant cachés, se réfugiant telles des créatures de nuit dans les zones d'ombres d'une fin de siècle mortifère, les criminels du film de Louis Malle ne sont pas des héros. Le Voleur se donne à voir littéralement comme une vision clinique de la fin d'un temps glorieux, celui des bandits au grand cœur. Belmondo incarne l'antithèse du personnage de Cartouche, auquel il prêtait ses traits quelques années plus tôt, en 1962, dans le film éponyme de Philippe de Broca. Finis les péripéties échevelées, le ton léger, la fraîcheur bondissante et enthousiaste des voleurs d'antan. Tragique à plus d'un titre, l'intrigue se pare d'une noirceur parfois éprouvante dans la mort des valeurs qu'elle met en scène. Fresque neurasthénique, fascinante dans sa morbidité, s'autorisant quelques savoureuses escapades dans l'humour noir (l'agonie de l'oncle de Randal), Le Voleur est une aventure d'un nouveau genre, une aventure malade, traversée d'images ténébreuses hypnotiques, d'antihéros épris de liberté, dont la solitude radicale n'a pas fini de faire écho à l'individualisme forcené de notre temps. Un grand film à redécouvrir autant pour sa force d'évocation que l'énergie désespérée qu'il déploie, depuis nos rétines jusqu'au fond de nos consciences.

4,5sur5

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29 septembre 2011 4 29 /09 /septembre /2011 19:58

kevin

La mère vient voir son fils en prison. « Tu peux me dire enfin pourquoi tu as fait ça ? » lui demande-t-elle, dans l'espoir de comprendre les raisons de son crime. Silence du fils. « Au début, je pensais que je savais... mais maintenant, je ne sais plus... » We need to talk about Kevin, c'est l'histoire d'un garçon possédé par le Mal, d'un fils qui décide de déclarer la guerre à sa mère jusqu'à son anéantissement. Le conflit, que l'on suit à travers le regard de la mère (Tilda Swinton), est une véritable tragédie familiale, un concentré de tension où l'abject rivalise avec l'horreur. Le fils Kevin, incarné avec brio par les épatants Jasper Newell et Ezra Miller, est un agent de destruction d'autant plus terrifiant qu'on ne saisit à aucun moment ses motivations malsaines, l'incarnation d'une ingratitude et d'une méchanceté absolues, insonsables. Emmerdeur éhonté au sens propre comme au sens figuré, le personnage de Kevin est un cauchemar ambulant, une figure juvénile pétrie de perversion et de cruauté. Montant progressivement ses parents l'un contre l'autre, il détruit systématiquement tout ce que son entourage cherche à construire (profanation du bureau de sa mère, agression de sa sœur...), gueule d'ange sournoise s'érigeant peu à peu en némésis. Figure assurément déjà culte de gamin odieux.

La grande force narrative du film de Lynne Ramsay repose sur l'horreur émanant des actes de Kevin, à ceci près que cette horreur n'est jamais directement montrée. Tout se joue dans la maîtrise d'un pouvoir de suggestion permanent, effroyablement efficace. Adoptant le point de vue de la mère, la cinéaste provoque chez son spectateur une sensation viscérale de dégoût et de stupeur, à travers l'emploi habile du hors champ, de l'ellipse et du décadrage. Les agissements mêmes de Kevin sont frappés par une sorte de point aveugle. Grâce à un montage brouillant la temporalité de l'intrigue, Lynne Ramsay ne révèle que les résultats, les conséquences des méfaits de son petit monstre, pour infuser dans l'esprit de la mère un sentiment d'impuissance totale et plonger son spectateur dans le désarroi.

L'aura mortifère de Kevin confère à l'espace du film une atmosphère infernale, tachée de sang, à la lisière du fantastique, de l'hallucinante séquence inaugurale de la « tomatina » (rassemblement festif où des centaines de personnes se vautrent dans de la tomate) à la maison souillée de peinture rouge que la mère entreprend de nettoyer. Le personnage écorché de Tilda Swinton tente de se reconstruire après le crime ultime commis par son fils, mais l'on sait d'avance qu'elle ne trouvera pas le repos avant d'avoir découvert le chaînon manquant du drame, à savoir la motivation de Kevin. Quand elle lui demande, désespérée « Quel est est l'intérêt ? », il lui répond sur un ton nonchalant : « Il n'y a aucun intérêt : c'est ça, l'intérêt... » Kevin nous dévoile ainsi au détour de sa réplique le moteur du film, qui consiste en une gratuité totale. Une gratuité totalement désemparante, dans la mesure où elle détruit instantanément tout repère moral. Kevin incarne un agent du chaos qu'on pourrait bien rêver comme l'alter ego juvénile du Joker de Nolan (« Certains ne rêvent que de voir le monde brûler. ») Tout l'intérêt dramatique du film de Ramsay repose sur l'espoir de percer le mystère de cet enfant diabolique, source d'un suspense glacé et d'une frustration permanente que l'on éprouve en s'identifiant à la mère. Métaphore extrême et radicale de la condition maternelle, tragédie familiale horrifique ou portrait symbolique du malaise de la jeunesse actuelle, We need to talk about Kevin n'en finit pas de multiplier les strates de lecture et d'interprétation. Et Lynne Ramsay de confirmer la puissance créative, à la fois subtile et viscérale, du cinéma britannique.

4,5sur5

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25 septembre 2011 7 25 /09 /septembre /2011 20:01

apollonide

« La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres. / Fuir ! là-bas fuir ! » L'Apollonide de Bertrand Bonello pourrait être l'illustration parfaite des premiers vers de Brise marine, de Mallarmé. Splendeurs maladives et misères tragiques d'une maison close sur le déclin, à l'aube du XXème siècle. Nul horizon de liberté. La chair est triste. D'une tristesse infinie. D'une tristesse infiniment belle. L'Apollonide est un beau film, d'une splendeur perpétuelle, mais toujours douloureuse, toujours trompeuse. La beauté des images, loin d'offrir une quelconque évasion pour les yeux, se fait l'esclave d'une esthétique de l'enfermement. Fuir le bordel est un fantasme, le plus inconcevable de tous les désirs dans un univers où le désir est pourtant maître. Huis clos aussi oppressant qu'hypnotique, peuplé d’icônes féminines ensorcelantes, L'Apollonide dépasse d'emblée l'enjeu a priori documentaire de son scénario (montrer le quotidien d'une maison close) en empruntant dès sa première scène la voie d'un onirisme morbide. Grain volontaire, lumière éthérée, mouvements de caméra langoureux, couleurs envoûtantes, musique planante... Le cinéaste nous entraîne dans un rêve sombre et troublant.

Rêve de chair et de désirs, songe de mort, L'Apollonide se donne à voir comme un ballet de corps sublimes, d'une sensualité à la fois irrésistible et sordide. Paradoxe fascinant d'un film se déroulant dans un temple de la luxure sans jamais verser dans la vulgarité. Prêtant leurs corps et leurs caractères au raffinement d'une prostitution révolue, les actrices, magnifiques, se révèlent désarmantes de naturel, incarnant à la perfection la dualité qui habite la maison close : confrontation du jeu calculé, du spectacle du désir, et d'une coulisse où tombent les masques. C'est dans cette coulisse que L'Apollonide touche à la fois le sublime et ses limites : si l'agonie, mentale ou physique, de certaines filles parvient à nous toucher (maladies, mutilation, désespoir), la longueur effarante du dénouement et la froideur de la mise en scène nous écartent parfois de l'intrigue, nous laissent seuls sur le seuil du sérail. Mais Bertrand Bonello évite habilement la coquille vide grâce à l'intensité viscérale du jeu de ses actrices (direction admirable de tout le casting) et une poésie sordide, aux images osées, hautement troublantes. Quant au plan final, d'une laideur incommensurable mais assumée, il relance encore une fois le débat sur le statut de la prostitution en posant une question : et si c'était mieux avant ? Une seule certitude : la vision ambiguë que propose Bonello met ultimement en évidence l'étroite correspondance du sexe tarifé et de l'esprit d'une époque. Vision résolument pessimiste opposant le raffinement culturel du XXème siècle naissant et la vulgarité effrayante des mœurs de notre temps. Le plaisir contre la consommation. Glaçante amertume d'une belle fresque à l'entêtant parfum de mort.

3,5sur5

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16 septembre 2011 5 16 /09 /septembre /2011 09:29

warrior

Certes, Warrior ressemble beaucoup à Fighter, sorti également cette année, au Wrestler d’Aronofsky, ou même à Rocky Balboa. Certes, les grandes lignes du scénario s’engagent dans des sentiers maintes fois battus, de la séquence d’entraînement aux combats acharnés sur le ring. Mais cela n’empêche pourtant pas le film de Gavin O’Connor d’embarquer son spectateur dans une fresque sportive aussi efficace qu’émouvante. Peut-être parce que le réalisateur relègue justement la dimension sportive au second plan pour s’attacher – à l’instar de Fighter – à l’humain, au sens « guerrier » du terme, comme l’annonce son titre. Comme Fighter, il s’agit avant tout d’un drame familial, brossant le portrait de deux frères, mais contrairement à son prédécesseur, Warrior met en scène un affrontement fraternel, presque fratricide, inscrivant ainsi symboliquement son intrigue dans une sphère mythologique.

Si la confrontation entre Tom Hardy (effrayant, monolithique, impénétrable) et Joel Edgerton (attachant, sympathique) évoque évidemment les grandes rivalités fraternelles de nos mythologies (Caïn et Abel, Etéocle et Polynice, Seth et Horus…), elle est avant tout le moteur d’un crescendo dramatique aussi implacable que puissant, ponctué de scènes de combats âpres et intenses. Si, dans la coulisse, la tension monte sans cesse entre les deux frères ennemis, alimentée par la haine commune envers un père irresponsable (Nick Nolte, jouant avec brio un paternel pathétique), c’est sur le ring que le drame familial se dénoue progressivement. Atteignant souvent des sommets de lyrisme brut, transcendés par le score de Mark Isham, les combats dans Warrior prennent littéralement aux tripes. Menée par un trio d’acteurs inspirés, la « guerre des trois » a bien lieu, déchirement entre deux frères, mais surtout entre un père paumé et ses fils déboussolés. Au-delà des combats physiques, chacun se bat pour une cause intime : le père contre lui-même, contre une image qu’il déteste et qu’il tente d’oublier, les deux fils pour laver leur honneur, le premier tentant de sauver sa famille d’un naufrage imminent, l’autre cherchant à enterrer un passé militaire traumatisant. Gavin O’Connor met en scène une lutte acharnée pour la survie, une quête du salut qui s’approprie tous les clichés du film de sport pour les dépasser, à travers l’accomplissement, la réunion de trois destins. Et c’est cet art du dépassement qui rend Warrior si efficace et attachant, cristallisé dans une image finale suspendue, aussi magnifique que poignante. Complément fraternel de Fighter, hommage touchant à Rocky, certainement l’un des plus beaux films du genre, simple et sincère.

4sur5

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24 juillet 2011 7 24 /07 /juillet /2011 18:20

une separation

Au risque de m'attirer les foudres d'une large partie de la blogosphère ou une mise à l'index de l'intelligentsia critique, je clame et assume avoir détesté Une Séparation d'Asghar Farhadi. Représentant pour moi un sommet de non-cinéma, ce film adulé et primé passe à mes yeux pour le plus surestimé de l'été, voire de l'année 2011. Je mettrai donc un point d'honneur, en dépit de ses quelques rares qualités - jeu impeccable des acteurs, montage soigné - à le pourfendre en perçant à jour sa lourdeur incommensurable.

Lourdeur du sujet, tout d'abord, avec un scénario qui n'est rien d'autre qu'une accumulation monotone d'événements glauques reliant deux familles iraniennes, l'une aisée, l'autre modeste. Le premier couple se sépare. Le mari est accusé d'avoir poussé, sur un coup de colère, sa bonniche enceinte dans une cage d'escaliers et provoqué ainsi une fausse couche. Que peut-il arriver de pire ? Le mari de la bonne, un mordu de la loi du Talion, veut venger sa femme et la mort du fœœtus, en traînant l'autre époux en justice, puis en menaçant sa famille. Que peut-il encore arriver de pire ? Le mari accusé se fourvoie dans un engrenage de mensonges pour sauver les siens, mais surtout sa poire, jusqu'à accepter, poussé par sa femme, d'acheter le silence de ses détracteurs avec un gros paquet de fric. Mais la femme soi-disant poussée dans les escaliers refuse de toucher cet argent, par peur d'attirer le mauvais œœil sur sa famille et par remords, car on apprend qu'elle a menti. Son mari se barre, accablé, tandis que le couple riche se sépare pour de bon. Retour à la case départ. Générique. On est parti de trois fois rien pour aboutir nulle part. Néant scénaristique. Recherche d'un réalisme affligeant de trivialité qui aboutit à une absence d'enjeux dramatiques, une succession de malheurs dont on finit par se lasser. Un drame pathétique venant paradoxalement flinguer sa raison d'être parce qu'il reste figé dans un premier degré assommant.

Mais la lourdeur du sujet entraîne une autre forme de lourdeur, plus pesante encore, celle de la forme. Prisonnier de son manque de recul sidérant vis-à-vis des faits relatés, Une Séparation apparaît comme un film dépourvu de toute espèce d'ambition artistique, où tout apparaît comme trop évident, trop immédiat pour provoquer le moindre intérêt, la moindre émotion. Qu'on se donne la peine de se rappeler que le cinéma est avant tout l'art du mensonge spectaculaire, et l'on se rendra compte sans peine aucune que ce n'est pas à du cinéma qu'on a affaire ici, mais un simulacre de cinéma, une radiographie incroyablement plate du réel. Sous ses oripeaux de tragédie sociale parfois larmoyante, Une Séparation n'est rien d'autre qu'un sommet d'ennui, interminable et soporifique. Honnêtement, posons-nous au moins une fois la question : quel est l'intérêt cinématographique de ce film ? Quel est l'intérêt de mettre en images une histoire si l'on ne prend même pas la peine d'en faire résonner la teneur dramatique ou symbolique ? Quel est l'intérêt de produire des images prisonnières de leur sens premier, des images unidimensionnelles qui n'ont pas d'autre ambition que de platement se montrer ? Quel est l'intérêt de ce « cinéma » du réel, de la souffrance réaliste ? Le drame d'Une Séparation aurait tellement gagné en force s'il s'était offert une mise en scène moins triviale, moins immédiate, moins prosaïque. Que nous reste-t-il à nous mettre sous la dent, en tant que spectateurs, si l'on nous mâche tout d'avance ?

J'en entends qui voudront me lyncher parce que je ne soutiens pas ce film multi-primé et encensé, issu d'un pays en difficulté. Seulement, quand la bienséance conduit à la mauvaise foi, je refuse tout simplement de la suivre. Je refuse de m'aveugler et de trahir mon intégrité de cinéphile en clamant avoir aimé un film que je déteste. Et je tiens à préciser qu'il n'est absolument pas question ici de discrimination, quelle soit positive ou négative. Je regrette que la plupart du milieu critique se voile la face au nom d'une bienséance hypocrite, pour faire bonne figure. Combien, contre leur opinion, ont écrit des éloges sur Une Séparation, de peur de passer pour des imbéciles ? Combien, dans un élan de paternalisme poussiéreux, ont préféré le porter aux nues plutôt que d'en reconnaître les limites et les défauts ? Je n'attaque pas ici ceux qui l'ont sincèrement apprécié – il y en a, - et je respecte leur avis -– mais tous ceux qui rentrent dans le moule de la bien-pensance, par lâcheté, par peur de se voir bannir du royaume douillet des Bisounours et autres couards de la pensée.

Pour en finir avec Une Séparation et anticiper d'éventuelles objections absurdes, l'origine géographique du film n'est absolument pas entrée en compte dans ma grille d'évaluation. J'appréhende tous les films que je vois d'une manière tout à fait égale, donnant leur chance à chacun avant la projection. Dans les pays les plus défavorisés comme à Hollywood, les pires films côtoient les chefs-d'œ’œuvre. Malheureusement, à mes yeux, et ce n'est que mon humble avis, Une Séparation appartient à la première catégorie. Pour résumer mon point de vue exaspéré sur ce film, qui pour moi représente l'archétype de l’œ'œuvre d'auteur longuette, chiante et prétentieuse, je laisserai le mot de la fin à un certain Gustave Kervern, qui s'écriait dans un de ses fameux sketchs grolandais : « J'en ai rien à foutre de vos vies de merde ! J'ai la même à la maison ! »

1sur5

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23 juillet 2011 6 23 /07 /juillet /2011 17:40

le moine

J'en entends qui disent que Le Moine est un film raté, une fable lourde et grotesque, ringarde et pathétique. Peut-être la tentation est-elle trop forte, peut-être suis-je trop faible, mais je ne peux y résister : j'ai aimé le nouveau film de Dominik Moll.

Adapté du célèbre roman éponyme de Lewis, fleuron de la littérature gothique anglaise, Le Moine narre la chute de Frère Ambrosio (Vincent Cassel), moine charismatique et pourfendeur du Mal dans l'Espagne du XVIIème siècle. Son destin, tragique, lui fait goûter aux interdits qu'il s'est toujours juré de combattre, le jour où un mystérieux jeune homme masqué vient proposer ses services au monastère. Le scénario, en forme de paradoxe, nous présente d'abord Ambrosio comme un homme de foi inflexible, inatteignable, avant de lui faire perdre peu à peu tous ses repères puis sa raison, jusqu'à ce qu'il bascule totalement dans la folie et le péché. L'occasion pour Dominik Moll d'installer une atmosphère oppressante, tranquillement vénéneuse, portée par une photographie de toute beauté mimant les états intérieurs d'Ambrosio. On se laisse ballotter entre la noirceur effrayante des nuits monacales et la blancheur aveuglante des paysages arides de l'Espagne. Ambiance irréelle de rêves éveillés, où se côtoient la sensualité et la mort. Frontière brouillée entre les songes et la réalité. Le monastère d'Ambrosio est un lieu hors du temps, parasitant autant la foi du moine que notre croyance dans la matérialité des images. Tout est ici affaire de duperie, de maquillage, de versatilité, le Mal s'insinuant sournoisement entre les failles mises à nues d'un temple sacré, monastère pour le héros, objet filmique pour le spectateur.

Drapant son récit d'un voile d'incertitudes, Dominik Moll semble se livrer à une relecture gothique de son Harry, un ami qui vous veut du bien. Les nombreuses passerelles entre les deux films les font résonner d'un écho troublant. Le Moine pourrait s'interpréter comme le retour de Harry dans la peau d'un débauché bien plus maléfique qu'il ne paraît, toujours incarné par le toxique Sergi Lopez. Ouvrant et refermant le film, l'acteur espagnol prête ses traits à une forme de tentation absolue et triomphale, un Harry d'outre-tombe, ange noir déchu venu hanter un homme de bien, Ambrosio pouvant s’apparenter au frère éloigné de Michel, jadis incarné par Laurent Lucas, dans la mesure où il se confronte à son alter ego maléfique avant de s'offrir à lui, en lui vendant son âme, en devenant maléfique à son tour. Chronique éternelle d'une passation du Mal. En ce sens, Le Moine de Dominik Moll peut se lire comme la genèse d'Harry un ami qui vous veut du bien. Le cinéaste n'a rien perdu du pouvoir d'évocation de ses images, nous proposant à la fois une clé de relecture de son œœuvre et une plongée aussi fascinante que tragique dans l'esprit d'un homme tenté, portée par la formidable composition de Vincent Cassel, qui prouve encore ici qu'il est capable de tout jouer, en s'effaçant derrière la vérité de ses personnages.

3,5sur5 

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18 mai 2011 3 18 /05 /mai /2011 02:42

the tree of life

2011 est décidément une année maudite pour le cinéma. Après Clint Eastwood, Sofia Coppola, Zack Snyder, Jaume Collet-Serra, Gore Verbinski ou encore Tsui Hark, c'est au tour de Terrence Malick, auteur de bijoux tels que Les Moissons du ciel, La Ligne rouge et Le Nouveau monde, de se planter lamentablement. On pensait le bougre intouchable, cantonné aux chefs-d'œ’œuvre ad vitam aeternam : il vient malheureusement nous apporter, avec The Tree of Life, la preuve ultime que mêmes les plus grands sont capables des pires erreurs.

The Tree of Life... de quoi ça parle ? D'un père autoritaire, voire cruel (incarné avec brio par Brad Pitt), qui échoue dans l'éducation de ses fils. De son seul fils survivant, 40 ans plus tard, qui se rappelle sa dure enfance, flashes-forward à la clé, plus anecdotiques qu'autre chose, sous-exploitant honteusement l'immense talent de Sean Penn (quel gâchis). De la création de la Terre, à grand coup d'icônes cosmiques et contemplatives volées à Kubrick et Ushuaïa Nature. D'un parasaurolophus miraculeusement épargné par un vélociraptor, grâce à des images de synthèse approximatives, d'une hideur désarmante (une audace grotesque qui a tout de même réussi à faire rire une salle pleine à craquer de fans du cinéaste). Le tout commenté incessamment par une véritable chorale de voix-off chuchotantes, en une litanie à la morale judéo-chrétienne écœœurante, à force de répétition. Les caresses langagières des précédents films de Malick troquent ici leur douceur contre un martèlement aussi subtil qu'une enclume métaphysique. Paradoxalement presque dépourvu de dialogues, The Tree of Life devient ainsi insupportablement bavard et finit par nous faire sombrer dans l'ennui le plus total. Pas le moindre ciment narratif à l'horizon, pas la moindre trace d'une quelconque cohérence scénaristique ou thématique. On subit littéralement un flot de paroles vides de sens, admiratives de leur poésie autoproclamée, allant jusqu'à gâcher la magnifique bande-originale d'Alexandre Desplat. On est très loin de la prière bouleversante qui structurait et donnait un sens décalé aux images du Nouveau monde.

Mais, non content de nous assommer avec cette bouillie indigeste de paroles horripilantes adressées à Dieu (rien que ça), Malick décide de nous achever en nous offrant un bouquet d'images soi-disant expérimentales, dont la splendeur glaciale finit par engendrer non pas un film, mais un gigantesque clip, un immense spot publicitaire, aux relents platement écolos, voire new age dans son dénouement, si on peut appeler ainsi la fin d'un film qui n'a ni queue ni tête. On se contrefout du scénario, du traitement des personnages, de l'émotion, on espère endormir la conscience du spectateur en lui en mettant plein la vue. N'ayant rien à raconter, le cinéaste se contente d'une enfilade, parfois mal montée, d'images sublimes. Une splendeur vaine qui ne trouve aucun écrin pour s'épanouir. On voit littéralement transparaître à l'écran la fierté du chef-opérateur, qui se targue de savoir créer des images bien chiadées, à grands coups de mouvements de caméra tarabiscotés. La même prétention insupportable qui hante les films de Gaspar Noé aurait-elle gangrené le cœœur pur de Terrence Malick ? Espérons que cette manie n'est que passagère et qu'il se ressaisira bientôt, car The Tree of Life pue à plein nez le pseudo film d'auteur qui se gargarise de son incompréhensibilité, qui se croit supérieur à son spectateur, qui trouvera son public auprès de quelques intellos sinistres. Le cinéma est un art universel, à la portée de tous : avec The Tree of Life, véritable Sucker Punch sans action, Malick a sacrifié sa générosité habituelle pour une vulgaire séance de branlette cinématographique, nous balançant un film solitaire, qui se roule dans le foutre de son auto-contemplation, mais qu'on oubliera bien vite, sur les rivages poisseux de la médiocrité. En allant revoir le très sous-estimé The Fountain, de Darren Aronofsky.

1sur5

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9 février 2011 3 09 /02 /février /2011 18:00

Black Swan (2)

Black Swan sort enfin ! Et l'année 2011 décolle enfin pour le cinéma. Après nous avoir éprouvés avec Requiem for a Dream, bouleversés avec The Fountain puis The Wrestler, Darren Aronofsky accouche d'un véritable chef-d'œœuvre. Voilà sans aucun doute la claque émotionnelle et audio-visuelle qu'on n'osait plus espérer, face à l'indigence des films du mois de janvier.

Non content de nous proposer une relecture viscérale du Lac des Cygnes, Aronofsky offre surtout à Natalie Portman son plus beau rôle depuis des lustres, un rôle enfin à la (dé)mesure de son talent, trop souvent sous-exploité. Habitant chaque plan avec une présence aussi sensuelle qu'électrisante, son personnage de danseuse, tourmenté par les symptômes d'une étrange métamorphose, nous gobe littéralement, nous entraîne jusqu'au vertige dans les entrailles d'un scénario confondant de fluidité et de puissance. Bâtie sur un crescendo épousant paradoxalement la descente aux enfers de son personnage principal, l'histoire de Black Swan est un ballet d'explosions sensorielles s'achevant sur un finale dont l'intensité dramatique restera dans les annales. Certainement le dénouement de film musical le plus grandiose depuis Moulin Rouge.

Autour de Natalie Portman, les rôles secondaires ne déméritent jamais : Vincent Cassel, irrésistible en prof de danse impitoyable, Mila Kunis, étourdissante de sensualité animale, Barbara Hershey, terrifiante en mère possessive et psychopathe. Surprise de taille au cœœur de ce casting impérial, Winona Ryder vient parfois voler la vedette à Portman avec son personnage à la fois bouleversant et effrayant de danseuse déchue. Et que dire de la nouvelle composition musicale du fidèle Clint Mansell, sinon qu'elle donne une force et une majesté inoubliables à des images déjà magiques en soi. Quand le rideau tombe, on ressort de la salle les larmes aux yeux, le corps frissonnant d'extase et d'émotions, le cœœur gros d'une foi renouvelée dans la puissance du cinéma. Une œœuvre d'art, pure, sincère et touchante, comme on en voit de plus en plus rarement dans nos chères salles obscures.

5sur5

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 18:51

king speech

Un film bâti comme un cheval de course à Oscars, d'où se démarque la performance plutôt saisissante de Colin Firth, touchant en monarque balbutiant. Le seul et unique intérêt dramatique repose sur la majesté paradoxale de son personnage, auquel il a su donner une véritable douleur organique, atteignant parfois le viscéral. Le reste semble en comparaison bien fade et anecdotique, figé dans cet académisme formel qui fait baver la sphère pseudo-cinéphile chargée de décerner chaque année son lot de statuettes clinquantes. Helena Bonham-Carter et Guy Pearce dans des rôles secondaires cruciaux quasiment bannis du scénario, mollesse du rythme, pureté pantouflarde des cadrages, paresse du montage, photographie platement vieillotte... Pas totalement inintéressant, le film passe en revanche totalement à côté de l'incandescence de son sujet, effleurant à peine un contexte historique explosif et des destins individuels qu'on aurait tellement voulu suivre en profondeur. Une œœuvre pas désagréable en soi, mais aussi lisse et glacée que la surface des Oscars qu'elle raflera avec goinfrerie, en bonne grosse moissonneuse-batteuse à récompenses qu'elle est.

2,5sur5

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26 janvier 2011 3 26 /01 /janvier /2011 06:17

Au-dela

Un miracle selon la revue Positif, le meilleur mélodrame d'Eastwood selon les Cahiers du cinéma... Amis cinéphiles, l'heure est grave. L'aveuglement dont fait preuve l'intelligentsia cinématographique française est devenu proprement terrifiant. Incapacité à reconnaître une œœuvre ratée ou hypocrisie révoltante ? Nul besoin d'être un expert pour constater le naufrage filmique que représente la nouvelle production d'Eastwood. Est-ce la crainte de passer pour des imbéciles qui force ces critiques timorés à trouver du génie dans une chiure de moucheron, parce que ce moucheron s'appelle Mr Eastwood ? Ce n'est pas en nommant une bouse une perle que cette bouse deviendra une perle. Un peu de bon sens ! Osons appeler un navet un navet !

Car en effet, Au-delà, le dernier « miracle » du dieu Eastwood, besogné depuis les cimes du mont Warner Bros, est un effrayant navet. Tout vieux sage intouchable qu'il est, le père Eastwood s'est méchamment cassé la figure en dérapant sur le tapis poussiéreux de son académisme éculé. De la maturité ? A d'autres ! Au-delà se veut tellement classique et minimaliste dans sa facture qu'il se transforme, après une première séquence plagiant Le Jour d'Après, en un laborieux, un interminable exercice de style aussi scolaire qu'ennuyeux. Le pitch de base aurait pu donner lieu à un film touchant : les destins de trois personnages géographiquement très éloignés, confrontés à une expérience de mort, finissent par se croiser. On attendait un film choral, dont la proximité avec la mort, thème ô combien universel, aurait pu se révéler bouleversante. Seulement, Au-delà ne raconte rien, ne montre rien, ne suggère, ne suscite rien. Juste du vide, juste de l'ennui, et l'envie grandissante que le film se termine enfin. Démonstration outrancière d'un scénario inexistant, immobilité visuelle exaspérante, acteurs en roue libre (un Razzie pour le fadasse Matt Damon serait le bienvenu), montage anémique, musique soporifique, effets spéciaux abstraits jusqu'au ridicule, mixage horripilant qui étouffe les voix des personnages français...

Le ratage artistique est total. Un ratage d'autant plus scandaleux qu'il ose encore s'autoproclamer « style », avec une prétention insolente. Le « style Eastwood ». Le style d'un grand devenu un gentil petit fonctionnaire hollywoodien, condamné à produire docilement son film annuel, le studio qui l'emploie espérant que cette accumulation exorbitante continuera de tromper tout le monde en la faisant passer pour une œœuvre. Eastwood enchaîne les films comme un forcené. S'il continue ainsi, on peut légitimement s'attendre au pire. Il semble avoir atteint avec Au-delà un point où le radotage est inévitable. Quand l'épure et l'indicible touchent à l'ennui le plus abyssal, il est temps de passer à autre chose. Un problème demeure : le soutien d'un tel cinéma par « l'élite » de la critique. Cette « élite » n'a-t-elle pas vu un bijou filmique dans l'insipide Somewhere, mollement réalisé par une Sofia Coppola usée avant l'heure ? L'année 2011 s'annonce très mal. Si les plus grandes valeurs se gamellent d'entrée de jeu, les meilleurs films seront certainement des outsiders, comme le magnifique Poupoupidou de Gérald Hustache-Mathieu, scandaleusement passé inaperçu !

0,5sur5

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