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5 avril 2010 1 05 /04 /avril /2010 12:45

immortel (2)

Il y a quelque chose de pourri au royaume de la pègre marseillaise. Le parrain Charlie Matteï se fait flinguer dans un parking souterrain, au beau milieu de sa retraite, presque sous les yeux de son fils. Sans raison apparente. Par des sbires encagoulés à la solde de son meilleur ami, lui aussi mafieux. Dans les méandres d'une cité phocéenne où les vautours du crime se déchirent entre eux, Matteï ressuscité va traquer sans relâche ses assassins. Une remontée sanglante et brutale dans la chaîne alimentaire des malfrats.

Le film de Richard Berry ne fait pas dans l'originalité. Il se contente d'adhérer aux aspérités d'un récit de vengeance tout à fait classique. C'est efficace, parfois insoutenable de violence, un peu émouvant. Mais c'est malheureusement très impersonnel. La vendetta mise en scène par Berry flirte en permanence avec un style hollywoodien de plus en plus à la mode : les scènes d'action, réglées comme un métronome, adoptent systématiquement un montage épileptique voire stroboscopique, enchaînant des plans d'une demie seconde, aux images saccadées, empesées de ralentis ultra-sacralisés. On a déjà vu ça quelque part... Le Transporteur, Danny the Dog... Rien de surprenant, L'Immortel est une mouture de l'écurie EuropaCorp, la société de Luc Besson. L'esthétique à peine francisée d'une action à l'hollywoodienne semble être la marque de fabrique de ces films virils destinés à un public très mâle, en quête d'icônes testostéronées.

On mesure alors d'emblée le déséquilibre flagrant qui pèse sur le film. Le style bessonien sied mal à la fresque de rédemption intimiste imaginée par Berry. Plus précisément, on voit se mettre en place, de scènes en scènes, l'écart malheureux entre une surenchère pénible et le jeu tout en rage rentrée et finalement très touchant de Jean Reno. Car le point fort du film, c'est lui. Son corps mutilé, fracassé, éternellement renaissant. Son regard brisé, angoissé, ses yeux de loup traqué dévolu à sa meute de protégés. Jean Reno se révèle d'une grande justesse, conférant à son rôle une troublante dimension christique. Son Charlie Matteï est un être presque surnaturel, hantant la caméra tel un martyr fantomatique. Un guerrier qui n'est plus que l'ombre, le murmure de lui-même. Magnifique.

La puissance de son jeu souligne donc les excès de la mise en scène, en même temps que l'erreur de casting la plus énorme du film : Kad Merad. La présence de l'acteur n'est qu'un insipide placement de produit, uniquement destiné à booster le nombre d'entrées. Certains ont décrété qu'il jouait mal. C'est pire ! Il ne joue simplement pas. Trop peu d'épaules pour un rôle aussi imposant que celui d'un parrain. Comble de la désincarnation, son personnage de grand méchant est d'une transparence ahurissante, s'effaçant totalement face à l'aura incandescente de Jean Reno, se faisant même voler la vedette par des seconds rôles plus impliqués que lui, Jean-Pierre Darroussin et Marina Foïs en tête. Ridicule, quand il débite des poncifs métaphysiques dans sa cuisine en préparant du café : « Le mal est en nous, il faut l'accepter... »

Restent l'atmosphère plutôt hypnotique, le climat de tension permanente et les éclats de violence d'un réalisme et d'une crudité laissant au bord de la nausée. L'Immortel est un film très efficace à défaut d'être vraiment marquant, bancal sans être un total ratage. Plus « Besson » que « Berry », comme on peut l'entendre lors de la séquence finale, bercée par un Lucia di Lammermoor, irrémédiablement affilié, dans nos consciences, au Cinquième Élément...

2,5sur5

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30 mars 2010 2 30 /03 /mars /2010 14:34

precious

Je tiens à préciser, avant toute chose, que cette critique n'est en aucun cas diffamante. Le ton volontairement cru ne s'attache qu'à rendre compte et à souligner les exagérations dont souffre l'intrigue et la représentation des personnages.

Car Precious est un film foncièrement déroutant, qui tiraille son spectateur entre deux sentiments contraires. D'une part, une admiration profonde pour la performance exceptionnelle des deux actrices principales, Gabourey Sidibe (Precious) et Mo'Nique (sa mère), oscarisée à juste titre pour son rôle de marâtre infâme et révoltante. D'autre part, l'insupportable et permanent pathos du scénario, entièrement basé sur une surenchère mélodramatique qui culmine dans le trash le plus abject. Plus on avance dans la pauvre vie de la pauvre Precious, plus on s'enfonce dans les abysses d'une horreur sociale et psychologique à faire pâlir les créateurs de Saw et de Hostel réunis.

La protagoniste accumule tout ce qui en Amérique est considéré, encore aujourd'hui, comme source de disgrâce. Elle est grosse, noire, analphabète et pauvre. Qui plus est, elle se fait violer régulièrement par le paternel, lequel, en passant, lui fait une gosse trisomique et un fils qu'elle va tenter de préserver de l'emprise maléfique de sa mastodonte de mère, qui la tabasse à tout va en la traitant de nullarde quand elle entend causer études. La mère de Precious, accrochée comme une enragée à ses sacro-saintes allocs, joue la comédie devant les assistantes sociales. Affamée comme une truie, mais trop flemmarde pour faire elle-même sa tambouille, elle n'hésite pas à réduire sa fille à un ingrat esclavage culinaire, lui faisant bouffer des kilos de pieds de porcs dégoulinant de graisse quand elle les rate.

Vous vous croyez arrivés aux extrêmes limites du sordide, détrompez-vous ! C'est loin d'être fini. Non content d'avoir mis sa fille en cloque deux fois, le père lui a refilé son sida, dont il meurt à peu près à la moitié du film, dans l'indifférence la plus totale. Precious, condamnée, abattue, démolie par la misère absolue à laquelle se résume son destin, se raccroche plus encore aux cours d'alphabétisation que lui donne une prof lesbienne adorable (après tout, on s'était peut-être gourés, nous les Américains, peut-être bien que les gays sont sympas...), et on en rajoute encore une couche avec la venue au monde du deuxième rejeton consanguin, qui donne lieu à un grand moment de vérité lacrymale, au cours duquel la mère confesse sa douleur, la souffrance de ne pas avoir été aimée assez par son mari (trop occupé à engrosser sa propre fille), allant jusqu'à accuser Precious de lui avoir volé son « mec ».

Honnêtement, il faut bien reconnaître que de telles réalités, aussi sordides soient-elles, existent. En Amérique, comme ailleurs. Et on ne peut que les déplorer. Le destin de ces filles-mères, victimes de leurs familles de dégénérés et d'un univers social en ruines, est scandaleux, c'est un fait. Mais c'est un fait trop réel pour concerner le cinéma, qui, rappelons-le, doit rester avant tout un art. Pas une tribune de la bassesse humaine. Rien d'artistique ici, pas la moindre trace de traitement cinématographique. Lee Daniels se trompe sur toute la ligne. Ce n'était pas une fiction qu'il fallait faire, mais un documentaire, rageur, révolté, engagé, proposant des solutions plutôt que de se complaire dans l'illustration pathétique. Résultat : on atteint les cimes d'un nihilisme social. Pas d'espoir à l'horizon. Et ce n'est pas le plan final, montrant Precious entourée de ses deux enfants, qui réconforte. Ni les séquences de rêves (aussi faux que des pubs L'Oréal) où elle s'imagine être une star adulée, enfin aimée. On la sait condamnée. Irrémédiablement fusillée par les lois d'un monde pourri jusqu'à la moelle.

Une question se pose alors : est-ce un film sincère ou un produit racoleur jouant à fond la carte du misérabilisme larmoyant ? Le slogan qu'on peut lire sur l'affiche en dit long : « Elle a bouleversé l'Amérique... » Les larmes sont tellement plus faciles à verser que la colère et la révolte. On s'apitoie, on plaint, on s'afflige, on s'attriste, on compatit. Mais finalement, on ne fait rien. Absolument rien.

Où la passivité tragique d'une Folcoche des bas-fonds rejoint les névroses d'un système malade de suffisance, d'orgueil et d'inconscience. Sur ce terrain là, Precious est une effrayante réussite.

1sur5

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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 03:14

15

Considéré à juste titre comme un grand film du cinéma de science-fiction, Le Jour où la Terre s'arrêta, de Robert Wise, n'a presque pas pris une ride. Non content de livrer une fable politique puissante sur l'absurdité de la guerre, ce classique se permet d'installer les codes d'un genre qui sera éculé à l'infini par ses successeurs. Les scènes de panique planétaire, avec leurs rassemblements hallucinants de foules hystériques, seront l'apanage d'un certain Roland Emmerich (Independence Day, 2012...), la réception de la soucoupe sera détournée par le facétieux Tim Burton dans Mars Attacks... Chaque plan ou presque installe le genre de la SF dans sa forme la plus moderne, sans jamais verser dans le spectaculaire gratuit.

Comme à son habitude, Robert Wise préfère suggérer, plutôt que d'illustrer. Ce qui ne l'empêche pas de pousser la crédibilité des effets spéciaux à un niveau inédit en leur époque. La désintégration des armes et des tanks par le robot Gort, l'ouverture mystérieuse de la soucoupe, tous ces effets restent encore saisissants d'épure et de simplicité poétique. Par les voies de la parabole, le cinéaste universalise littéralement son propos : à travers le regard candide de Klaatu, il renvoie dos à dos Soviétiques et Occidentaux, pour confronter l'humanité à un péril commun. Devant la menace d'être détruits par une force inconnue qui les dépasse, une seule alternative se présente aux hommes : s'unir ou disparaître. Robert Wise ne tranchera pas pour eux. La fin très ouverte du film pose plutôt une question, au fond très ambigüe, voire terrifiante : les différentes menaces de mort qui planent sur notre monde ne peuvent-elles se dissoudre que face à une plus grande promesse de destruction, une destruction totale ? Un film plus que jamais d'actualité.

4sur5

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23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 22:07

16

« Bonjour, je m'appelle Bad et je suis alcoolique. » Une réplique qui a valu un Oscar à Jeff Bridges pour son rôle de vedette avinée et ringarde du country. Une réplique qui a coiffé au poteau le magnifique et puissant « Je suis le maître de mon destin, le capitaine de mon âme » murmuré par Morgan Freeman dans Invictus. Un buveur minable porté aux nues, laissant dans l'ombre le personnage ô combien exemplaire et attachant qu'est le Mandela de Clint Eastwood.

L'Amérique de Crazy Heart donne la gerbe. Le moindre problème réclame son torrent d'alcool. Et un océan de clichés imbuvables, tout droit sortis de la pire fange sentimentalo-larmoyante. « Bad » Bridges boit. Tout le temps. Dans chaque plan. Traînant sa carcasse pathétique de patelin paumé en bourgade misérable. Une odyssée sous whisky dans les profondeurs anales de l'Oncle Sam. Le triomphe et la rédemption (oui, oui, on est à Hollywood) d'un bouseux de la pire espèce. C'est long et lourdingue, empesé par une mélasse country soporifique. Un film répugnant. Qui a gagné un prestigieux Oscar. Burp...

0,5sur5

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23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 13:08

02

Il est toujours difficile de critiquer un film traitant de la déportation du peuple juif par les nazis. Peur de ne pas être à la hauteur du propos, peur de trahir l'esprit du film, sa mission. Peur de s'embrouiller face à l'horreur de cet épisode historique. Tâchons donc d'être aussi simple et sincère que possible, comme l'est La Rafle de Rose Bosch.

Tout d'abord, la reconstitution historique de la France occupée est sidérante de réalisme. Un travail de décorateur fabuleux qui nous plonge immédiatement dans la tension de l'été 1942. Summum de l'horreur, le Vélodrome d'hiver est un véritable purgatoire où des dizaines de milliers d'êtres parqués attendent, comme des bêtes ignorantes, leur passage à l'abattoir. La mise en scène n'omet aucun détail, aussi cru, aussi sordide, aussi sanglant soit-il. La représentation est pour une fois courageuse. Une première dans le cinéma français populaire, habitué au politiquement correct. Les coups de crosses de fusils font mal, les visages se tuméfient, des barbares refoulés cognent sans vergogne sur des femmes et des enfants sans défense. Rendant un vibrant hommage à ses prédécesseurs (Le Pianiste notamment, avec la reprise du partage des caramels), La Rafle offre un spectacle souvent révoltant, sans fard ni masque.

Ne cachant aucune ignominie, la caméra transfuge de Rose Bosch s'immisce dans les coulisses d'une administration française composée de vendus, d'assassins en puissance profitant de la présence nazie pour s'en donner à cœœur joie dans la cruauté et le sadisme. Une barbarie à peine compensée par les actes admirables de quelques vrais humains, risquant leur vie pour sauver autant de victimes que possible, comme ce corps de pompiers ravitaillant en eau le vélodrome, ou ce chef plombier un peu simplet permettant l'évasion d'une jeune fille.

On pourra reprocher à la réalisatrice son didactisme un peu trop visible, son penchant un peu trop prononcé pour le larmoyant, mais franchement, que peut-on éprouver d'autre face à tant de haine acharnée, planifiée, face au massacre implacable qui se profile ? Les larmes versées pleurent d'ailleurs moins les victimes que le constat terrible d'une inaction flagrante. Le film laisse en effet entendre que la tragédie aurait pu être évitée. Soumission de l'autorité française, complaisance d'une part de la population trop fière d'être épargnée pour se soucier du sort des autres, face à la terreur du régime nazi. La vision paraît simpliste, mais elle frappe le spectateur en plein cœœur. Le carton final, annonçant qu'aucun des enfants déportés n'est jamais revenu, saisit d'effroi.

La Rafle n'est pas un chef-d'œœuvre et Rose Bosch n'a certes pas la virtuosité d'un Polanski, ni le lyrisme noir d'un Spielberg, mais sa vision n'en est pas moins légitime. La première et indiscutable qualité de La Rafle, c'est d'être le premier film français osant dépeindre sans détours l'un des épisodes les plus honteux et révoltants de notre histoire. Les quelques retrouvailles finales ne sont en aucun cas un happy end gratuit. Elles accordent seulement aux survivants un peu de réconfort au milieu de l'horreur, sans l'occulter. Ainsi, la cinéaste témoigne d'une compassion qui fait défaut aux bourreaux de son film. Pouvoir d'apaisement miraculeux du cinéma qui jamais ne verse dans un fantasme de rémunération. Comme une réponse miséricordieuse à l'esprit revanchard d'Inglourious Basterds. L'ombre et la lumière humaines incarnées, peut-être inconsciemment, par une même actrice. La Mélanie Laurent de Tarantino, qui carbonisait du nazi en riant comme une diablesse, incarne-t-elle le côté obscur de l'infirmière de La Rafle ?

2,5sur5

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23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 12:59

chloe 38

Atom Egoyan est un cinéaste de la chair. De la chair féminine. Le mystère de La Vérité nue reposait sur le cadavre d'une plantureuse serveuse d'hôtel, retrouvé nu dans une baignoire. L'intrigue de Chloé, librement adaptée du film français Nathalie, s'articule sensuellement autour du corps d'Amanda Seyfried, véritable fleur du mal à l'insoutenable regard cristallin. Catherine (Julianne Moore, toujours aussi magnifique de fragilité) soupçonne son époux de la tromper. Elle engage alors une jeune prostituée de luxe, Chloé, pour le tenter. Ce jeu trouble la dépasse littéralement. Perdant peu à peu le contrôle de la situation, elle finit par succomber aux charmes vénéneux de la jeune femme.

Oublions le rôle totalement terne de l'époux confié à Liam Neeson. L'homme ne semble être qu'un prétexte, très vite évincé du jeu érotique mis en place par sa femme. Egoyan ne s'intéresse qu'à la pulsion grandissante qui rapproche l'épouse, d'âge mûre, et la jeune prostituée. La première, mortifiée par la peur de vieillir, retrouve en sa cadette la fraicheur de ses vingt ans. La caméra épouse la fusion progressive de leurs corps, dans une interminable caresse visuelle. Frémissements irrésistibles du visage de Julianne Moore, courbes affolantes d'Amanda Seyfried... La fascination culmine lors d'une scène d'amour lesbienne renversante de beauté, de volupté, où, dans une sublime lueur mordorée, le balancement langoureux de l'image capte la moindre vibration de plaisir. Esthétique et érotique ne font qu'un.

La réussite visuelle et sensorielle de Chloé ne parvient cependant pas à masquer quelques faiblesses au niveau de la construction des personnages et de leur histoire. Un film tellement graphique qu'il perd un peu de son âme. La psychologie se dilue dans des clichés éculés du drame érotique ou sentimental, à tel point que l'identification devient difficile. L'ardeur des images se consume presque dans la froideur du propos.

Mais le génie visuel du cinéaste suffit à nous hypnotiser jusqu'à la dernière minute. Son indéniable talent de metteur en scène sauve le film tout entier, qui, entre des mains moins expertes, aurait laissé un arrière-goût d'échec. Il faut dire qu'Egoyan filme les femmes comme personne, amoureusement. Avec un amour d'artiste plus fort que tout.

3,5sur5

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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 08:05

Scanners

En 1982, Scanners offre la possibilité à Cronenberg de s'afficher sur la scène internationale. Premier film hollywoodien de sa longue carrière, son premier succès (énorme) au box-office, cette histoire de tueurs télépathes manipulés par des scientifiques peu scrupuleux ne reste pas moins l'un de ses films les plus personnels. S'il a un peu vieilli –- l'appartenance aux années 80 est flagrante -– Scanners frappe encore par l'efficacité de sa mise en scène, nerveuse et limpide, ses effets spéciaux de choc, comme cette tête qui explose en gros plan, devenue culte chez les fans de l'auteur et les amateurs de cinéma fantastique. On retrouve déjà tous les thèmes chers au réalisateur canadien : le triomphe de l'esprit, la dégradation du corps, la fusion de l'organique et du mécanique...

Le scénario, s'il n'est guère surprenant, réactive avec intelligence le mythe des frères ennemis, culminant dans un morceau de bravoure final : un combat fratricide d'anthologie, d'une brutalité sans concession, à l'impact audio-visuel viscéral. Les effets de maquillage et les prothèses déforment monstrueusement les corps comme chez Verhoeven, alors que planent les notes torturées d'une cacophonie du chaos orchestrée par le fidèle Howard Shore. L'acteur Michael Ironside, déjà à l'aise dans les rôles de salauds, campe un assassin télépathe à glacer le sang. Un cousin de l'infâme Richter de Total Recall ? Même Patrick McGoohan, ici en guest star, semble s'effacer face à lui, peut-être la faute à un scénario trop peu développé pour approfondir les rôles secondaires. Mais ce serait pur pinaillage que de s'en tenir à ce détail. L'histoire de Scanners réclamait du nerf et une bonne dose de frissons. Ce que Cronenberg lui a donné, avec brio.

3,5sur5

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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 06:47

Bug

bug

On aura rarement autant flippé devant un film traitant de la paranoïa. Friedkin nous embarque dans les profondeurs de la folie. Le décor est outrancièrement minimaliste : une chambre de motel. Le casting se limite à un duo d'acteurs aussi hallucinants qu'hallucinés, Ashley Judd et Michael Shannon, autour desquels viennent graviter ponctuellement quelques rares personnages secondaires. L'intrigue installe le spectateur dans une ambiance molle, léthargique, dans une chaleur moite. Peter, un type un peu bizarre, prétendant être la victime d'un complot gouvernemental, débarque dans la chambre d'Agnès, une jeune paumée, il la séduit et finit par coucher avec elle. La fin de leurs ébats coïncide avec une invasion d'insectes invisibles, qui va prendre des proportions cauchemardesques. Croyant être la source du mal, Peter sombre peu à peu dans un délire paranoïaque de mutilation, emportant Agnès dans son sillage.

Mais s'agit-il vraiment de paranoïa, de folie ? Les insectes que Peter sent grouiller sous sa peau sont-ils réels ou fantasmés ? Le réalisateur de L'Exorciste ne donne aucune réponse. Il fait triompher le doute, renouant d'une façon primitive et pourtant novatrice avec les codes du cinéma fantastique le plus pur. Quelques explosions sanglantes viennent ponctuer un cauchemar où la tension grandit de minutes en minutes jusqu'à l'insoutenable. Un arrachage de dent maison, un meurtre sauvage, et l'angoisse devient terreur. Dans un style extrêmement cru, Friedkin nous confronte à nos peurs les plus primaires. La somme de toutes nos peurs. Car derrière le film d'horreur, il y a l'autopsie froide et lucide de la mentalité américaine traumatisée par le 11 septembre, le communisme des années 50. On voit d'abord l'autre comme un ennemi, un parasite qui ne cherche qu'à nous bouffer de l'intérieur. Ou comment la paranoïa déforme toute forme de jugement et endort la raison. A l'image de cette scène, la plus flippante de toutes, où Ashley Judd débite en un long plan-séquence, un flot frénétique de déductions dictées par sa folie, faisant coïncider par un miracle atroce les événements les plus noirs de sa vie avec le plus fumeux, le plus improbable des complots. Une métaphore effrayante de la manipulation des cerveaux. Un grand film sur de grands malades.

4,5sur5

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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 05:25

03

« Écoute le Jedi qui est en toi » murmure George Clooney à Ewan McGregor, alors qu'ils attendent la mort au fond d'un cachot irakien. Savoureux clin-d'œœil au guerrier inter-galactique qu'interprétait le même Ewan McGregor dans la cultissime saga Star Wars. La scène la plus hilarante de cet OVNI cinématographique que sont Les Chèvres du Pentagone. Une parodie de film de guerre inspirée de faits soi-disant réels, une peinture délirante du conflit irakien où l'absurde côtoie le grotesque. Une brochette d'acteurs visiblement amusés par leurs rôles de combattants de pacotille, joyeux illuminés entraînés à devenir des soldats télépathes de choc. Le film s'ouvre sur Stephen Lang jouant les passes-muraille, se rétamant lamentablement contre le mur qu'il essaie de traverser pour épater ses supérieurs. Parodie de Quaritch, le Colonel inoxydable d'Avatar ? Peut-être bien. Le film de Grant Heslov passe à la moulinette hippie tous les classiques contemporains traitant de la guerre en Irak : Jeff Bridges se prend pour un Timothy Leary troupier, Kevin Spacey joue un Lester Burnham reconverti en chieur du régiment (un peu de substance hallucinogène dans son verre et ses confrères prennent leur revanche), George Clooney est un doux dingue capable de dissiper les nuages et de tuer une chèvre par la pensée. Une grande farce sous LSD ? Pas tout à fait. Ou plutôt, pas jusqu'au bout. Le délire ne tient malheureusement pas la distance. Trop ponctuel, trop rare. On aurait aimé voir un déchaînement de scènes délirantes, une montée en puissance dans l'hallucination. Mais Les Chèvres du Pentagone souffre de la même lacune que Démineurs, installant son spectateur dans une regrettable routine narrative, inhibant peu à peu l'intérêt dramatique. Un film plaisant, certes, mais pas impérissable. Trop timide pour marquer durablement les esprits. Un bon moment quand même.

2sur5

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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 04:19

bad lieutenant

La Nouvelle-Orléans, juste après le passage de l'ouragan Katrina. Une ville en deuil, aux paysages ravagés, gorgée d'eau jusqu'à la nausée. Un ciel perpétuellement gris, menaçant, où plane le spectre angoissant du cataclysme. C'est dans cet « univers morne à l'horizon plombé » que se déroule le Bad Lieutenant de Werner Herzog. Un lieu de perdition, comme le New York du film de Ferrara, sorti dix-huit ans plus tôt. Le même anti-héros, ou presque : un flic aux méthodes louches, drogué jusqu'à la moelle, à la poursuite d'une impossible rédemption. Presque, car le lieutenant campé par Nicolas Cage (impressionnant) n'a rien à voir avec l'allumé christique que jouait Harvey Keitel.

Le film de Herzog n'a en effet rien d'un remake. S'il garde la figure du policier pourri et camé, il adopte une intrigue inédite. Nouvelle histoire, nouvelle atmosphère. Ferrara nous plongeait dans les méandres d'un esprit malade en empruntant la voie du mystique, au gré d'une mise en scène comateuse et sulfureuse. Herzog conserve au fond une même noirceur, mais elle n'est pas suffocante, car jamais sacralisée. Flanquée d'un second degré permanent. Les scènes de délire sous substance, portées par le jeu outrancier de Nicolas Cage, forcent le rire. Comme cette longue filature, dans un immeuble abandonné, où le lieutenant contemple un couple d'iguanes, qu'il est le seul à remarquer. Clin d'œœil savoureux, les tics du personnage rappellent évidemment ceux de l'escroc atteint de T.O.C. dans Les Associés (Ridley Scott).

Le lieutenant d'Herzog nous fait rire, mais il sait se montrer terrifiant. La drogue le rend imprévisible. Quand il brandit son revolver en ricanant, la catastrophe n'est jamais loin. Quand il menace, on ne sait jamais s'il blague ou s'il est sérieux. Un policier incontrôlable, mais pourtant pas insaisissable. Rarement un monstre n'a semblé aussi attachant que le lieutenant campé par Cage. Monstrueux, quand il prive une vieille de son tube d'oxygène pour arracher des aveux à son infirmière, flirtant le temps d'une scène aussi éprouvante que jubilatoire avec les méthodes d'un certain Jack Bauer, le sérieux marmoréen en moins. Attachant, quand il est confronté, comme tout un chacun, à ses problèmes familiaux : père assisté, belle-mère alcoolique, petite amie tourmentée par une horde de malfrats. Miracle d'un scénario à la fluidité exemplaire et stimulante : la trame policière du film et la vie privée du protagoniste s'entremêlent idéalement, donnant une vraie respiration à l'ensemble.

Une agréable surprise quand on sait que Herzog peut parfois verser dans la lenteur la plus exaspérante (Nosferatu, Aguirre...). On retiendra aussi l'importance de la musique de Mark Isham, mélopée au rythme hypnotique, aux accents inquiétants, épousant magnifiquement les zones d'ombres de l'intrigue.

Se démarquant totalement du Bad Lieutenant de Ferrara, ce portrait d'un policier torturé et délirant pourrait bien être le premier bon thriller de l'année 2010, évitant la maladresse du Ghost Writer de Polanski et la prévisibilité du Shutter Island de Scorsese. Disons même que c'est un excellent film, original et excitant.

4sur5

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