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19 octobre 2011 3 19 /10 /octobre /2011 16:19

AI : Intelligence artificielle (Artificial Intelligence : AI, 2001). Adaptation d'une nouvelle de Brian Aldiss, Supertoys last all summer long, que Stanley Kubrick avait commencé à scénariser avant sa mort, AI marque le grand retour de Spielberg au genre qui avait fait sa gloire dans les années 80, la science-fiction. Dans la lignée de E.T., le cinéaste donne à son film la tonalité d'un conte, la naïveté et l'insouciance en moins, en narrant le triste destin d'un enfant-robot abandonné par sa famille d'accueil, qui dans sa solitude se lancera à la recherche d'une bonne fée. Autant Spielberg avait ouvert les années 90 par un film enfantin, Hook, autant il entre dans la décennie 2000 avec une mise à mort douloureuse de l'enfance. David, le petit héros de AI incarné par Haley Joel Osment, n'est qu'un simulacre d'humain, une réplique mécanique d'enfant qui cherche à tout prix à devenir vivant, n'y parvenant jamais sinon au détour d'un dénouement désespéré, d'une illusion totale. L'enfance, en tant qu'âge innocent et rêveur, n'a plus sa place dans les films de Spielberg. On suit les tribulations d'un enfant qui n'en a que l'apparence physique, une marionnette en quête d'âme, un Pinocchio post-moderne plongé dans un monde adulte impitoyable, où règnent la luxure (Rouge Ville) et la violence la plus abjecte (tournois de destruction de robots). D'une beauté visuelle troublante, permise par le génie pictural de Kaminski, AI est une fable aussi cruelle que fascinante, mais surtout paradoxale, dans la mesure où les robots, à l'instar de ceux de Blade Runner, représentent le dernier bastion d'une humanité perdue par l'homme, à l'image de Gigolo Joe (robot conçu pour le plaisir, incarné par Jude Law), qui semble être le seul personnage capable d'amour, la mère adoptive de David renonçant à le garder auprès d'elle. AI donne le ton d'une nouvelle ère dans l’œuvre de Spielberg : voici venu le temps de la désillusion, de l'amertume et de la mélancolie.

2001 - AI intelligence artificielle

Arrête-moi si tu peux (Catch me if you can, 2002) : Inspiré de l'histoire vraie de Frank Abagnale Jr., fraudeur de génie, Arrête-moi si tu peux dresse le portrait d'un jeune homme qui a fait de la facétie son art de vivre. Sur un ton faussement léger, Spielberg semble se montrer lui-même à travers le personnage interprété par Leonardo DiCaprio (à ses débuts, Spielberg se serait incrusté dans les studios Universal en les bernant...). Mais si la vie d'Abagnale relève de la pure mise en scène, un spectacle permanent, aussi grisant que risqué, le cinéaste insiste en filigrane sur le caractère tragique de ce spectacle, sur sa coulisse pleine de douleurs maquillées. Abagnale se joue de tout le monde, à la manière d'un enfant qui refuserait de grandir, de s'adapter, de se couler dans le moule de la morne sphère des adultes, alors que l'enfant en lui est mort, dévasté depuis le jour où ses parents se sont séparés. Plus qu'un élément autobiographique, Spielberg fait de cette dévastation le moteur d'une mise en scène sans temps mort, effrénée, virevoltante. L'énergie colossale qui émane du film est un masque, un cache-misère, car si Abagnale court tout le temps, c'est pour mettre le plus de distance entre lui et le fantôme inavouable de son enfance brisée. Se dérobant sans cesse à notre emprise, comme il échappe toujours aux autorités, le personnage de DiCaprio ne parvient cependant jamais à faire taire la douleur qui hurle au fond de lui, qui l'aveugle sur lui-même. Sous la légèreté de la forme (images rayonnantes et musique enjouée), une ombre s'agite en permanence, entre les fêlures d'un film qui cherche, comme son protagoniste blessé, à nous berner. Le titre – Arrête-moi si tu peux – lancé comme un défi au spectateur, se donne ainsi à lire comme l'invitation à un jeu à la fois ludique et triste. Il s'agit alors autant de découvrir le vrai visage d'Abagnale, à travers ses multiples identités, que celui de Spielberg, à travers les multiples formes de son cinéma. Assurément l'un des films les plus personnels et les plus accomplis de son auteur.

2002 - arrete moi si tu peux

Minority Report (2002) : Adaptée d'une nouvelle de Philip K. Dick, cette quatrième incursion de Spielberg dans le genre de la science-fiction se donne à voir comme l'aboutissement le plus pessimiste, le plus désespéré de sa vision de l'homme, prenant place dans un futur où l'humain n'est plus maître de son destin (crime réprimé avant même d'être commis, contrôles d'identité oculaire omniprésents...). La déshumanisation repose essentiellement dans Minority Report sur le rapport de l'humain à l'image. Spielberg met en scène, de manière terrifiante et crédible, une impuissance du sens de la vue. L'image manipule, l'image n'est pas fiable, l'image est traîtresse. Victime des images de son futur, le personnage incarné par Tom Cruise va se lancer dans une quête vitale pour sa survie : réapprendre à voir, à voir vraiment. Guidé par les paroles prophétiques d'Agatha, voyante utilisée par la police pour prévoir les crimes (répétition litanique de la réplique « Can you see ? »), le héros ira jusqu'à se faire changer les yeux pour voir autrement, réellement. « Parfois, pour voir la lumière, il faut affronter les ténèbres... » : expérience de la noirceur, Minority Report met à mort, avec ses images sales, désaturées et glaçantes, l'iconographie enchantée des précédents films de Spielberg. Thriller quasi expressionniste, angoissant et torturé, le film est autant un manifeste du nouveau cinéma spielbergien qu'une réinvention radicale du genre de la science-fiction, à des années-lumière de la mode du space opera, relancée par George Lucas avec La Menace fantôme, mais surtout L'Attaque des clones, sorti quelques mois avant Minority Report. On est plus proche de la noirceur de Blade Runner, également adapté d'une œuvre de K. Dick, que des péripéties chatoyantes de la saga Star Wars. Si Spielberg et Lucas sont souvent complices (Indiana Jones), leurs visions du cinéma se révèlent toujours plus divergentes.

2002 - minority report

Le Terminal (The Terminal, 2004) : Aussi sous-estimé que l'était Always en 1989, Le Terminal se regarde d'abord comme une comédie. Mais, s'inscrivant dans la lignée thématique et symbolique de Minority Report, cette comédie s'avère moins inoffensive qu'elle n'en a l'air. Bâtie comme un huis clos, l'intrigue se déroule entièrement dans un aéroport, décor de verre et de métal, tout en transparences sournoises. Car Spielberg filme l'envers de la transparence : le décor de l'aéroport permet de tout voir (surfaces vitrées et caméras omniprésentes), mais il s'agit d'un leurre, d'un trompe-l’œil. L'aéroport, véritable vitrine des États-Unis, est emblématique des ambiguïtés, des ambivalences, de la double face d'une nation qui se prétend ouverte, accueillante, mais qui se révèle, quand on la regarde attentivement (ce sera tout l'apprentissage du personnage apatride incarné par Tom Hanks) comme une véritable prison, un seuil carcéral, un purgatoire. L'étranger est comme un sujet de laboratoire, soumis aux règles absurdes d'une société schizophrène, montrant un visage souriant tout en tâtant votre être d'une main paranoïaque. Plus qu'une comédie, Le Terminal est une satire grinçante, venant à nouveau témoigner du regard acide que lance Spielberg sur ses contemporains. Son regard, ici ironique, s'assombrira dans Munich, quelques années plus tard.

2004 - the terminal

La Guerre des mondes (War of the Worlds, 2005) : Spielberg revient encore une fois à la science-fiction en adaptant le célèbre roman éponyme de H.G. Wells. Disséquant le sentiment viscéral d'une peur de la fin du monde face à une attaque massive d'aliens belliqueux, Spielberg accouche d'une œuvre terrifiante, à la croisée du film catastrophe et du survival, dans un style visuel traumatisant, hanté par des images de mort permanentes. Afin de plonger son spectateur au plus profond de l'horreur, Spielberg filme la destruction du monde d'un point de vue strictement humain, sans jamais verser dans le pathos ou le spectaculaire gratuit, tellement humain qu'il va jusqu'à désinvestir Tom Cruise de son aura de star hollywoodienne pour lui faire endosser le rôle d'un loser, incapable de garder sa famille intacte. Si le film est efficace, à la portée d'un large public, le cinéphile averti pourra y voir l'affirmation des obsessions d'un auteur angoissé, qui emprunte en virtuose les moyens du cinéma populaire pour les exorciser.

2005 - war of the worlds

Munich (2006) : Spielberg revient au genre du film historique en relatant, d'une manière quasi documentaire, l'attentat des JO de Munich en 1972, durant lequel plusieurs athlètes israéliens ont été exécutés. L'horreur, filmée fébrilement, caméra à l'épaule, comme un témoin direct, se révèle ici impartiale. Spielberg, accusé à tort d'épouser la cause israélienne, ne prend en effet partie pour personne, allant même jusqu'à renvoyer dos à dos les camps adverses. Il s'attache à montrer, le plus objectivement, le plus crûment possible, d'un œil aussi désespéré que pessimiste, voire nihiliste, la barbarie humaine. La froideur de la mise en scène glace le sang, empêchant le spectateur de s'attacher au protagoniste (incarné par Eric Bana) et à ses acolytes. Il n'y a pas de héros dans Munich. Seulement des terroristes vengeurs face à d'autres terroristes. Seulement des morts abjectes, absurdes. Vision cauchemardesque d'un cercle vicieux dont il semble impossible de sortir. Nul happy end hollywoodien, mais un goût de sang, un malaise tenace qui n'a pas fini de hanter nos consciences.

2006 - munich

Indiana Jones et le Royaume du Crâne de cristal (Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull, 2008) : Presque 20 ans après Indiana Jones et la dernière croisade, Spielberg met à nouveau en scène son archéologue fétiche, toujours incarné par Harrison Ford. Éreinté par la critique et les fans de la franchise, ce quatrième opus ne convainc pas, faisant même l'objet de railleries face à des éléments jugés trop fantasques : êtres venus d'ailleurs, le héros survit à une explosion nucléaire en s'enfermant dans un réfrigérateur... On est en droit de se demander en quoi le délire déployé ici par Spielberg serait moins légitime que dans les précédents volets. Arche d'Alliance capable de désintégrer des humains, sorcier plongeant sans bavure sa main dans la poitrine de ses victimes, découverte du Saint Graal... Pourquoi les péripéties abracadabrantesques des trois premiers opus seraient-elles plus acceptables que celles du quatrième ? Il est évident que Spielberg et Lucas n'ont jamais recherché la moindre crédibilité en mettant en scène les aventures d'Indiana Jones, bien au contraire. D'une facture audio-visuelle irréprochable, porté par une atmosphère à la fois drôle et nostalgique, Indiana Jones et le Royaume du Crâne de cristal peut se révéler décevant dans son manque évident de fraîcheur et de spontanéité, son rythme moins effréné. Mais Spielberg s'en sort haut la main en tournant la vieillesse de son héros à son avantage, à travers un sens savoureux de l'auto-dérision. Une récréation bien méritée, à revoir peut-être sans cynisme, comme un échauffement joyeux avant l'adaptation des Aventures de Tintin.

2008 - indiana jones 4

 

Revoir Spielberg - les années 1990 : la décennie paradoxale / Revoir Spielberg - les années 1980 : l'envol d'un auteur hollywoodien / Revoir Spielberg - les années 1970 : de Duel à l'échec de 1941


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27 septembre 2011 2 27 /09 /septembre /2011 19:16

Hook ou la revanche du Capitaine Crochet (Hook, 1992) : La rencontre de l'univers de Spielberg et du mythe de Peter Pan (désir d'une enfance éternelle) était inévitable. Le cinéaste signe là son œuvre la plus enfantine, peut-être la plus kitsch, la plus hollywoodienne, renouant après la parenthèse intimiste d'Always avec le genre de l'aventure. Mais le casting prestigieux (Robin Williams, Dustin Hoffman, Julia Roberts...) et les délirants décors en carton-pâte de Hook sont trompeurs : si Spielberg livre d'abord un film commercial, il annonce avec cette histoire de piraterie a priori anodine le crépuscule de tout un pan du cinéma. Spielberg abuse une dernière fois des artifices d'un cinéma populaire traditionnel pour les pousser dans leurs ultimes retranchements. Il prépare avec Hook l'avènement d'un nouveau divertissement, qui naîtra sous la forme de Jurassic Park...

1 - hook

Jurassic Park (1993) : Film culte parmi les films cultes, Jurassic Park s'est imposé dès sa sortie triomphale comme une révolution dans l'univers du cinéma populaire, un modèle de divertissement moderne. Réinventant les codes du genre horrifique en les transposant dans un décor typique du cinéma d'aventure, Spielberg expérimente un réalisme visuel encore jamais atteint au début des années 90, où le meilleur de l'animatronic côtoie une nouvelle génération d'images synthétiques créées par ILM. Aboutissement spectaculaire des Dents de la mer, Jurassic Park dynamite sans cesse ses oripeaux exotiques en empruntant la voie de l'horreur et du macabre, tour à tour angoissant lorsqu'il suggère la présence de ses monstres préhistorique et terrifiant quand il les montre (inoubliable apparition nocturne du Tyrannosaure). Mais Jurassic Park représente surtout un fascinant objet filmique à travers le paradoxe qui le constitue : proposer un cinéma nouveau à travers la quête prométhéenne, démiurgique, d'une forme de vie primitive. A la manière de John Hammond, qui cherche à révolutionner le concept du parc à thème en ramenant le visiteur aux origines du monde, Spielberg révolutionne le cinéma populaire en proposant la vision fantasmée d'un temps immémorial, restant ainsi fidèle à son adage : faire du neuf avec du vieux. Il semble avoir trouvé avec Jurassic Park la recette du divertissement absolu, universel, fédérateur. Une certaine idée de la perfection...

3 - jurassic park

La Liste de Schindler (Schindler's List, 1993) : Grâce aux recettes colossales de Jurassic Park, Spielberg s'attelle à un projet plus personnel et renoue avec le genre du cinéma historique, auquel il s'était confronté en 1987 avec Empire du Soleil. Encore une fois, il refuse de s'adonner à une simple illustration historique, en proposant une vision cinématographique de la Shoah. La Liste de Schindler marque la première collaboration de Spielberg et de Janusz Kaminski, qui devient dès lors son directeur de la photographie attitré. Le cinéaste trouve en effet en Kaminski un alter ego dans la création d'images fortes. La Liste de Schindler, plus qu'une fresque historique, se donne à voir à travers ses plans en clair obscur comme une quête de la lumière au milieu de la noirceur infinie de la Shoah. Si visuellement le noir et blanc restitue la douloureuse réalité des images d'époque, il s'écarte paradoxalement de tout manichéisme, reflet mimétique de la personnalité trouble du protagoniste, incarné par Liam Neeson. La fresque de Spielberg cherche moins à juger l'histoire qu'à lui donner un visage, autant dans son horreur que dans ses éclats de bonté.

2 - schindler's list

Le Monde perdu : Jurassic Park (The Lost World : Jurassic Park, 1997) : Spielberg revient à ses dinosaures pour créer une véritable franchise. Plus spectaculaire encore que son prédécesseur, Le Monde perdu pourrait se voir comme une libre adaptation du roman éponyme de Conan Doyle (que Spielberg admire), en même temps qu'un hommage à King Kong à travers sa vision d'un univers primitif et hostile. Cette suite de Jurassic Park se concentre sur le personnage déjanté de Malcolm (incarné par Jeff Goldblum), personnage secondaire du premier opus, jouant ainsi à fond la carte d'un humour noir irrésistible. Menée tambour battant, l'intrigue est un bonheur de divertissement horrifique, ponctuée de morceaux de bravoure (la chasse aux dinosaures, l'arrivée en ville du Tyrannosaure). Si la réflexion sur la recréation d'une forme de vie primitive est bien moins poussée que dans le premier volet, Le Monde perdu représente encore aujourd'hui un divertissement d'une efficacité redoutable, au croisement du film d'horreur, de monstre et d'aventure.

5 - le monde perdu

Amistad (1997) : œuvre méconnue dans la filmographie de Spielberg, cette fresque historique s'attache à représenter les premières années de l'abolitionnisme à travers le regard d'un esclave africain, incarné par Djimon Hounsou. Si la réalisation est académique et le contexte historique parfois approximatif, Spielberg reste fidèle à lui-même en proposant la vision subjective d'une époque, tissant de nombreux liens, par son contenu, avec La Couleur pourpre. On redécouvre avec plaisir un casting de grande classe (Anthony Hopkins, Morgan Freeman, Matthew McConaughey, Pete Postlethwaite, Stellan Skarsgard...), une toute jeune Anna Paquin en petite reine d'Espagne, des séquences de procès passionnantes, ainsi qu'une beauté picturale impressionnante dès la sauvage scène d'ouverture.

4 - amistad

Il faut sauver le soldat Ryan (Saving Private Ryan, 1999) : Empruntant les codes du film de guerre pour les exploiter d'une manière aussi viscérale que cauchemardesque (traumatisante scène du débarquement), Spielberg s'écarte néanmoins du genre pour représenter l'absurdité quasi kafkaïenne d'un conflit. L'intrigue, d'abord très ancrée dans l'histoire, abandonne progressivement tous ses repères pour nous plonger dans une errance angoissante, à travers une Normandie dévastée. La mort est partout, spectre vorace et perpétuel, se déployant à l'écran à travers des images de désolation. La photographie de Janusz Kaminski, presque monochrome, vient s'opposer à la douceur des plans de La Liste de Schindler, car il ne s'agit plus de traquer la lumière dans les ténèbres. Bien au contraire, Il faut sauver le soldat Ryan se caractérise, avec ses images sales, par un pourrissement visuel, une agonie de la lumière, traquant l'horreur dans ses moindres recoins. Une horreur qui vous isole du commun des mortels dès lors qu'on l'a regardée : le personnage vieillissant du soldat Ryan ne trouve aucun réconfort auprès de sa famille, pourtant réunie autour de lui ; son regard hanté par la mort de tous ses camarades de combat révèle sa solitude tragique. Solitude d'un homme déjà mort attendant la délivrance pour enfin sortir du cauchemar incessant de ses souvenirs. Bien plus subtil qu'il ne paraît, Il faut sauver le soldat Ryan reste une puissante fresque anti-militariste, qui nous fait littéralement vivre la guerre, de l'intérieur, pour mieux nous en dégoûter. Et Spielberg de persévérer dans son art du paradoxe.

6 - saving private ryan

 

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13 juillet 2011 3 13 /07 /juillet /2011 03:11

Les Aventuriers de l'Arche perdue (Raiders of the Lost Ark, 1981) : Spielberg fait une entrée fracassante dans les années 80, après le malheureux échec de 1941. Il créé avec Indiana Jones, sur une histoire de George Lucas, une véritable icône du cinéma d'aventure évoluant dans un univers hérité de la bande-dessinée (l'ombre de Tintin n'est pas loin...), naviguant entre Histoire et fiction débridée. Avec son rythme trépidant (jamais frénétique), ses personnages inoubliables, son exotisme factice rappelant les classiques hollywoodiens du cinéma d'aventure, sa bande-originale mythique signée John Williams et ses références mythologiques en pagaille, Les Aventuriers de l'Arche perdue témoigne du génie absolu de Spielberg en matière de divertissement. Beaucoup tenteront de se mesurer à lui... en se cassant les dents. Un monument indémodable du cinéma moderne.

aventuriers arche perdue

E.T. L'Extra-Terrestre (E.T. the Extra-Terrestrial, 1982) : deuxième incursion de Spielberg dans le domaine de la science-fiction. Alors que Lucas poursuit ses délires spectaculaires avec L'Empire contre-attaque (1980), alors que Carpenter emprunte la voie de la terreur avec The Thing et que la saga Star Trek propose son deuxième volet (1982), le père de Rencontres du Troisième Type persévère dans ses obsessions personnelles en nous livrant une fable bouleversante, on ne peut plus universelle, mais toujours intimiste, terriblement humaine. Un pari risqué mais gagné, puisque E.T. pulvérise littéralement le box-office de l'année 1982 et séduit la critique, partout dans le monde, au détriment de Blade Runner, rejeté, mal aimé. La lumière qui irrigue le film de Spielberg triomphe de la noirceur du projet malade de Ridley Scott, qui ne sera reconnu que bien plus tard. Mais s'il est unanimement considéré comme une fable familiale destinée à un large public, il serait peu avisé d'occulter la part d'ombre qui plane en filigrane sur E.T., à travers le comportement hautement cruel des adultes. La seule issue, généralement interprétée comme un simple happy end, réside dans la fuite. Fuir ou mourir ! Spielberg n'est pas aussi enfantin qu'on pourrait le croire...

ET

Indiana Jones et le Temple maudit (Indiana Jones and the Temple of Doom, 1984) : Spielberg fait preuve d'une noirceur terrifiante dans ce deuxième opus des aventures de son célèbre archéologue. Presque entièrement souterrain, le film se lance dans la représentation très graphique d'un mal enfoui : sacrifices occultes, séances de torture, populations opprimées, enfant souverain tyrannique... L'aventure, s'inspirant parfois de Tintin et le Temple du Soleil, est toujours au rendez-vous, à travers des morceaux de bravoure fracassants (la scène d'introduction, l'arrivée en Inde, la séquence de montagnes russes dans les mines...), mais elle perd l'aura d'insouciance presque désinvolte qui caractérisait le premier volet. Spielberg avoue s'effrayer lui-même en revoyant son film. Il s'agit tout de même d'un formidable divertissement, au rythme hypnotique et à la facture ahurrissante, une épopée tout aussi brillante que la précédente, parsemée d'un humour noir parfois ravageur.

indiana jones temple maudit

La Couleur pourpre (The Colour Purple, 1985) : alors qu'on le croit désormais cantonné aux blockbusters hollywoodiens, Spielberg frappe là où on l'attend le moins. Il créé la surprise en s'attaquant à l'adaptation d'un roman épistolaire d'Alice Walker traitant de la ségrégation raciale et de la condition des femmes noires aux États-Unis au début du XXème siècle, à travers le destin de Célie, un rôle qui lança la carrière de la jeune Whoopi Goldberg. Spielberg livre une saga familiale pleine de cris, de fureur, de larmes, mais aussi de rires et de sourires. L'humour côtoie l'horreur la plus abjecte, incarnée par Danny Glover, effrayant en mari tyrannique. La mise en scène, alternant pure contemplation (sublimes tableaux), éclats de fureur et tourbillons d'émotions, se révèle d'une intensité et d'une puissance hypnotique encore intactes aujourd'hui. Notons que La Couleur pourpre a lancé la carrière d'une autre personnalité américaine bien connue : Oprah Winfrey.

la couleur pourpre

Empire du Soleil (Empire of the Sun, 1987) : chef-d'œ’œuvre presque oublié de Spielberg, cette fresque historique, doublée d'un éprouvant survival, relate l'errance désespérée et solitaire d'un jeune garçon à Shanghaï en 1941, sous l'occupation de l'armée impériale japonaise. Le film marque la première grande apparition à l'écran de Christian Bale, alors âgé de 13 ans. L'adolescent révèle un jeu totalement bouleversant, son personnage rappelant avec émotion l'Antoine Doinel de Truffaut (que Spielberg admire), gamin perdu, désemparé, forcé à devenir un adulte avant l'heure s'il veut survivre. La reconstitution de Shanghaï est faramineuse et l'intrigue traversée par des élans de poésie sublime, telle la vision hallucinée des bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki, le petit héros croyant qu'il s'agit de Dieu photographiant la Terre depuis son royaume céleste. Certains y verront une faute de goût (la scène des douches dans La Liste de Schindler n'y échappera pas non plus), alors qu'il s'agit assurément d'un éclat d'audace artistique, épousant totalement le point de vue de l'enfant, les ambiguïtés troublantes de son innocence, ou plutôt de son ignorance du Mal. L'un des films les plus poignants de Spielberg. [critique : Empire du Soleil ]

empire du soleil

Indiana Jones et la Dernière Croisade (Indiana Jones and the Last Crusade, 1989) : certainement l'épisode le plus déjanté, le plus fou, le plus débridé de la saga Indiana Jones. Le film s'ouvre sur un flash-back mémorable nous révélant les origines de la peur du héros face aux serpents, pour se poursuivre sur une quête du Graal aussi monumentale que surprenante dans sa mise en scène. L'introduction dans le récit du père d'Indiana, incarné par Sean Connery (hommage ultime à l'univers de James Bond, très prisé par Spielberg et Lucas), s'avère l'idée la plus excitante d'un scénario trépidant, sans temps mort, au service d'un divertissement absolu, décomplexé, euphorisant. Spielberg attendra deux décennies avant de se replonger dans l'univers de sa saga...

indiana jones derniere croisade

Always (1989) : l'un des films les plus sous-estimés de Spielberg, relatant l'odyssée d'un pilote mort qui, depuis l'au-delà, forme la jeune recrue censée le remplacer, tout en acceptant de lâcher prise, de se détacher de la femme qu'il aimait de son vivant. Always marque les retrouvailles poignantes de Spielberg et de Richard Dreyfuss. Hommage vibrant au cinéma classique hollywoodien, en même temps qu'une tentative de s'en détacher (comme le protagoniste mort vis-à-vis de sa femme toujours vivante), le film, sublimement photographié (les couleurs, les ombres et la lumière parlent plus que les dialogues) parvient à glisser, sous sa désarmante simplicité de conte, une complexité de sens saisissante, offrant une multitude de lectures et d'interprétations, une exploration surprenante car étonnamment vivante de la mort. Spielberg quitte les années 80 tout en douceur, avec ce qui restera comme l'une de ses œœuvres les plus personnelles, accomplies et matures (« adulte » est à bannir de son univers). Un beau film à redécouvrir ! Notons que Ben Burtt, ingénieur du son d'Always, connu pour ses créations sonores sur la saga Star Wars, a glissé malicieusement le bruit d'un tir de vaisseau dans la scène du sauvetage aérien des pompiers par le personnage de Holly Hunter.

always

 

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24 juin 2011 5 24 /06 /juin /2011 21:45

Steven Spielberg représente pour moi un modèle de cinéaste, dont l'univers foisonnant me fascine au plus haut point. Afin de lui rendre hommage et de se replonger dans son œœuvre avant la sortie prochaine des Aventures de Tintin, voici une rétrospective de ses nombreux longs-métrages (25 au total), décennie par décennie.

 

Duel (1971), avec Dennis Weaver, Eddie Firestone, Lou Frizzell : premier long métrage de Spielberg, créé d'abord pour la télévision. Hommage nerveux au cinéma d'Hitchcock, où le jeune réalisateur semble se venger du manque de moyens par la rigueur virtuose de sa mise en scène. Si le film est très ancré dans les années 1970, il reste encore aujourd'hui un monument de tension et d'angoisse, une poursuite infernale ponctuée de montées d'adrénaline implacables.

duel

Sugarland Express (The Sugarland Express, 1974), avec Goldie Hawn, William Atherton, Michael Sacks : après le film de poursuite, Spielberg enchaîne, dans une thématique très proche, avec un film de cavale, inspiré de faits réels, profitant de l'occasion pour déployer un thème qui lui est cher : la sortie de l'enfance, le sacrifice de la jeunesse. Les jeunes protagonistes en fuite tentent d'échapper, en vain, à un système socio-politique régi par des « vieux ». Le pessimisme du dénouement ne relève cependant pas de la volonté de Spielberg (qui envisageait un happy end), mais - contre toute attente - de celle des producteurs, qui souhaitaient préserver le statut de film d'auteur de Sugarland Express. Un paradoxe à Hollywood, assez rare pour être souligné.

sugarland express

Les Dents de la mer (Jaws, 1975), avec Roy Scheider, Richard Dreyfuss, Robert Shaw : premier film de monstre de Spielberg, qui pourrait bien être l'ancêtre direct de ses futurs Jurassic Park dans le traitement viscéral de l'horreur. Nul parc d'attraction ici, nulle jungle hostile, mais un décor aquatique angoissant, porteur de mort, via la figure mythique du requin affamé. Si Spielberg innove avec une représentation frontale de la mutilation, il signe surtout, quand on connaît les recettes monstrueuses du film, l'un des premiers blockbusters de l'histoire du cinéma.

les dents de la mer

Rencontres du Troisième Type (Close Encounters of the Third Kind, 1977), avec Richard Dreyfuss, Teri Garr, Melinda Dillon : la même année que son ami George Lucas, Spielberg s'attaque au genre de la science-fiction, à travers une fresque humaniste, ou plutôt humaine, dans la mesure où il s'attache à dépeindre des événements extraordinaires via le regard de personnages ordinaires (Richard Dreyfuss, ou l'incarnation absolue de l'Américain moyen, en est la vedette). Là où Star Wars se lançait à fond de train dans le registre mythologique, opératique et spectaculaire, Rencontres du Troisième Type osait la voie de l'individuel, de l'intime, pour toucher à l'universel. La scène finale, dialogue musical halluciné avec un vaisseau spatial, tout comme l'apparition de François Truffaut en scientifique français, reste un bouleversant acte de foi envers le 7ème art. Pour la petite info, le socle du vaisseau spatial a été réutilisé quelques années plus tard dans Blade Runner pour servir de toit au QG de la police de Los Angeles.

rencontres du troisieme type

1941 (1979), avec Dan Ackroyd, John Belushi, Ned Beatty, Nancy Allen : film catastrophe, comédie cartoonesque, fresque historique... 1941 brasse un nombre de genres considérable, en narrant l'attaque ratée d'Hollywood par un sous-marin japonais. Considéré comme trop ambitieux, trop chaotique, trop délirant, jugé hystérique et décousu par la critique, mais surtout extrêmement coûteux, le film connaît un échec cuisant, le premier de Spielberg depuis le début de sa carrière. La même année, La Porte du paradis, de Michael Cimino, fresque historique au budget colossal, rencontre la même désaventure, amenant Hollywood à s'inquiéter quant à l'avenir de ses blockbusters. Une inquiétude vite passée avec la sortie fracassante de L'Empire contre-attaque en 1980, mais surtout du premier volet de la saga Indiana Jones, en 1981, qui permet à Spielberg de renouer avec le succès. Pour la petite info, Christopher Lee incarne un officier nazi, tandis que le tout jeune Mickey Rourke apparaît pour la première fois à l'écran.

1941

 

Revoir Spielberg - les années 2000 : l'odyssée de la noirceur / Revoir Spielberg - les années 1990 : la décennie paradoxale / Revoir Spielberg - les années 80 : l'envol d'un auteur hollywoodien


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30 mai 2010 7 30 /05 /mai /2010 05:24

Le monde du cinéma vient de perdre un grand nom. Dennis Hopper a marqué le paysage hollywoodien, pendant près de 60 ans, par sa présence électrisante. Afin de rendre hommage à cet immense comédien, quelques arrêts sur image pour garder en mémoire ses mille et un visages.

 

1955 : La Fureur de vivre (Rebel Without a Cause), de Nicholas Ray.

1955 la fureur de vivre

1956 : Géant (Giant), de George Stevens.

1956 - géant

1969 : Easy Rider. Dennis Hopper adopte pour la première fois la double casquette d'acteur et de réalisateur.

1969 - easy rider

1977 : L'Ami américain (Der Amerikanische Freund), de Wim Wenders.

1977 - l'ami americain

1979 : Apocalypse Now, de Francis Ford Coppola.

1979 - apocalypse now

1983 : Rusty James (Rumble Fish), de Francis Ford Coppola.

1983 - rumble fish

1986 : Blue Velvet, de David Lynch.

1986 - blue velvet

1991 : The Indian Runner, de Sean Penn.

1991 - the indian runner

1993 : True Romance, de Tony Scott.

1993 - true romance

1994 : Speed, de Jan de Bont.

1994 - speed

1995 : Waterworld, de Kevin Reynolds.

1995 - waterworld

2001 : 24 heures chrono, saison 1.

2001 - 24

2005 : Le Territoire des morts (Land of the Dead), de George A. Romero.

2005 - le territoire des morts

2010 : Alpha and Omega, de Anthony Bell et Ben Gluck.

2010 - alpha and omega

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29 mai 2010 6 29 /05 /mai /2010 10:48

01

Chef opérateur, décorateur et publiciste devenu l'un des réalisateurs les plus brillants de sa génération, le britannique Ridley Scott reste sans aucun doute le meilleur « œœil » d'Hollywood. Retour sur une carrière de près de 40 ans, où la beauté visuelle côtoie la plus grande diversité de genres. L'œœuvre d'un cinéaste qui a toujours défendu sa liberté de création et son statut d'auteur, qui a toujours su filmer les femmes comme personne, en leur donnant des rôles forts, de premier plan.


1965 : Boy and Bicycle (court-métrage). Un premier « film », en noir et blanc, mettant en scène son frère, Tony. L'errance d'un jeune homme à vélo, dans une ville en bord de mer. Le jeune Ridley montre déjà à quel point il est un exceptionnel bâtisseur d'espace, travaillant ses perspectives et ses profondeurs de champs avec une minutie incroyable. Disponible en bonus du DVD des Duellistes.

02

1977 : Les Duellistes (The Duellists). Avec Harvey Keitel et Keith Carradine. Premier long métrage de Ridley Scott. Prix du Jury de la première œuvre à Cannes en 1977. Superbe film en costumes, narrant le combat acharné et absurde qui oppose deux lieutenants de la cavalerie napoléonienne. Les images, nimbées d'une lumière magnifique, sont composées comme des tableaux, en hommage à Barry Lyndon de Kubrick. L'interprétation de Harvey Keitel est inoubliable.

03

1979 : spot publicitaire Chanel n°5 « Share the fantasy ». Avec Carole Bouquet. Ridley Scott renoue avec la publicité. D'après ses dires, il aurait réalisé environ 2000 spots publicitaires au cours de sa carrière.

04

1979 : Alien, le huitième passager (Alien). Avec Sigourney Weaver, Ian Holm, John Hurt, Tom Skerritt, Harry Dean Stanton. Le cinéaste fait appel à Moebius et Giger, deux illustrateurs qu'il admire, pour donner vie à l'un des fleurons de la SF et du film d'horreur. Succès colossal à l'échelle planétaire, passé à la postérité. Un film culte qui a conservé toute sa puissance de terreur. L'héroïne de ce survival est une femme, qui deviendra une icône de la science-fiction.

05

1982 : Blade Runner. Avec Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Darryl Hannah, Edward James Olmos. Chef-d'œœuvre à la croisée du film noir et de la SF, adapté d'un roman de Philip K. Dick. Une fresque futuriste qui a connu un destin tumultueux, avec pas moins de 5 versions, aujourd'hui disponibles dans un magnifique coffret DVD édité en 2007 par Warner. Le final cut est la version préférée du cinéaste, supervisée par lui-même, celle qui correspond le plus à la vision qu'il avait eu de son film au moment de la réalisation. L'androïde Rachel rappelle la silhouette des femmes fatales dans les films noirs des années 40.

06

1984 : spot publicitaire pour la marque Apple, « 1984 ». Publicité très esthétique croisant l'imaginaire pessimiste de George Orwell (1984) et des images encore imprégnées de la beauté noire de Blade Runner.

07

1985 : Legend. Avec Tom Cruise, Mia Sara, Tim Curry, David Bennent. Un conte au scénario convenu mais plaisant, aux images renversantes de beauté. Une fresque de fantasy encore inégalée sur le plan esthétique, mettant en scène le démon le plus magnifique et le plus effrayant de l'histoire du cinéma. A voir dans sa version director's cut, disponible en DVD zone 1, la version européenne que nous connaissons étant scandaleusement amputée d'une trentaine de minutes indispensables.

09

1987 : Traquée (Someone to Watch Over Me). Avec Mimi Rogers, Tom Berenger. Considéré comme mineur dans la filmographie de Ridley Scott. Le cinéaste explore un genre encore nouveau pour lui, celui du thriller. L'histoire d'un garde du corps tombant amoureux de la riche New-Yorkaise menacée de mort qu'il doit protéger. Si l'interprétation est un peu plate, les ambiances sont hypnotiques, les images très belles, comme toujours, nimbées de la pâleur bleutée si chère à Scott.

10

1989 : Black Rain. Avec Michael Douglas, Andy Garcia. Deuxième thriller / policier dans la carrière de Scott. S'il a beaucoup vieilli, le film reste fascinant par la peinture oppressante qu'il donne de la grande ville japonaise, très proche du Los Angeles de Blade Runner. Quelques scènes choc (dont la décapitation de Andy Garcia par un gang de Yakusa), des ambiances glacées et une interprétation incroyablement désabusée de Michael Douglas.

11

1991 : Thelma & Louise. Avec Susan Sarandon, Geena Davis, Harvey Keitel, Michael Madsen, Brad Pitt. Changement de genre et d'univers esthétique pour Ridley Scott, qui s'attaque au road-movie solaire. Le destin tragique de deux femmes pourchassées à travers plusieurs États américains pour avoir tué un homme. Un film acclamé par les mouvements féministes pour la tendresse qu'il témoigne envers ses deux protagonistes, mais surtout le geste de liberté absolue qu'il leur accorde lors du dénouement. L'interprétation de Susan Sarandon et de Geena Davis est affolante d'intensité et de naturel. Brad Pitt fait une apparition mémorable dans un de ses tout premiers rôles, tandis que Harvey Keitel retrouve Scott pour la deuxième fois, 15 ans après Les Duellistes.

12

1992 : 1492, Christophe Colomb (1492, Conquest of Paradise). Avec Gérard Depardieu, Armand Assante, Sigourney Weaver, Tchéky Karyo, Fernando Rey. Scott signe une fresque historique flamboyante, aux tableaux inoubliables. La superbe musique de Vangelis donne aux images un relief à la fois épique et hypnotique. Sigourney Weaver incarne la reine Isabelle de Castille, 13 ans après avoir prêté ses traits à Ripley sous la caméra de Scott.

13

1995 : création, avec son frère Tony, de la société de production indépendante Scott Free. Outre leurs propres films, les frères Scott ont pu financer grâce à leur société un nombre déjà considérable de longs métrages et de séries TV : Dragon Rouge (Brett Ratner), Numb3rs (TV), In Her Shoes (Curtis Hanson), The Company (TV), L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (Andrew Dominik)...

 

1996 : Lame de fond (White Squall). Avec Jeff Bridges, Caroline Goodall, John Savage. Un bon film d'aventures en mer, plombé par le cabotinage de Jeff Bridges et le plagiat sirupeux du dénouement du Cercle des poètes disparus. L'océan a rarement été aussi beau que sous l'objectif aguerri de Scott. La scène de tempête qui donne son titre au film est un morceau de bravoure aux effets spéciaux aussi hallucinants qu'effrayants. A noter : la présence du tout jeune Jeremy Sisto (l'interprète de Billy, le frère de Brenda dans Six Feet Under), déjà dans un rôle de grand malade, son personnage mutilant un dauphin sans raison apparente.

14

1997 : À armes égales (G.I. Jane). Avec Demi Moore, Viggo Mortensen, Anne Bancroft. Film militaire un peu ronflant, qui vaut surtout pour l'impressionnant portrait de femme qu'il propose. Une battante inébranlable décidée à prouver sa valeur dans un monde exclusivement masculin. Demi Moore s'est tellement impliquée dans son rôle qu'elle n'a pas hésité à se raser le crâne. 15 années plus tard, sa tête nue nous hante encore.

15

2000 : Gladiator. Avec Russell Crowe, Joaquin Phoenix, Connie Nielsen, Richard Harris. Ridley Scott réinvente littéralement le péplum avec une rageuse histoire de vengeance au cœœur de la Rome Antique. Reconstitution historique impressionnante de grandeur, brutalité des séquences de combats, bouleversante tragédie du dénouement, musique inoubliable de Hans Zimmer et de Lisa Gerrard. Russell Crowe et Joaquin Phoenix crèvent littéralement l'écran. En la chargeant de ses thèmes angoissés, Scott signe une fresque profondément personnelle et universellement touchante. La version longue offre quelques développements passionnants.

16

2001 : Hannibal. Avec Anthony Hopkins, Julianne Moore, Gary Oldman, Ray Liotta. Suite du Silence des agneaux de Jonathan Demme, narrant les sanglants méfaits de Hannibal Lecter. Ridley Scott, qu'on sent freiné par une équipe de production frileuse, ne parvient pas à atteindre l'aura dévastatrice de son prédécesseur. Il parvient tout de même à instaurer une atmosphère étouffante. L'horreur culmine lors de scènes macabres insoutenables, comme une pendaison par les boyaux ou la dégustation par Ray Liotta de sa propre cervelle, cuisinée par Lecter.

17

2002 : La Chute du Faucon noir (Black Hawk Down). Avec Josh Hartnett, Ewan McGregor, Tom Sizemore, Eric Bana, Orlando Bloom. Un film de guerre sous-estimé, bien plus impressionnant que les récents Démineurs ou Green Zone. Ridley Scott nous entraîne dans un cauchemar de plus de deux heures dans un décor de mort absolument terrifiant, nid de guêpes urbain crachant tel un dragon monstrueux des gerbes ininterrompues de poussière et de feu. Scotchant.

18

2003 : Les Associés (Matchstick Men). Un film totalement méconnu, mais jubilatoire, où un arnaqueur atteint de TOC (Nicolas Cage déchaîné et touchant) prépare le plus gros coup de sa carrière avec son associé et sa fille de quatorze ans (mignonne Alison Lohman), dont il vient de découvrir l'existence. Une comédie truffée de faux-semblants, aux images très léchées, au twist final épatant. À découvrir !

19

2005 : Kingdom of Heaven. Avec Orlando Bloom, Eva Green, Jeremy Irons, David Thewlis, Brendan Gleeson, Liam Neeson. Une fresque médiévale dans la Jérusalem du XIIème siècle à voir obligatoirement dans sa version longue, enrichie de 42 minutes cruciales. Plus spirituel que spectaculaire, Kingdom of Heaven surprend par ses fulgurances esthétiques, son rythme envoûtant et l'interprétation bouleversante d'Eva Green. Orlando Bloom paraît bien terne à côté d'elle. À noter : c'est Edward Norton qui incarne Baudouin IV, le roi lépreux au masque d'argent. Il demanda personnellement à Ridley Scott de lui confier ce rôle, dont on ne voit jamais le visage, tout en refusant que son nom apparaisse parmi ceux des stars du film au générique. Sa participation au casting est un pur désir de jeu. Un fait trop rare pour ne pas être souligné. D'autant plus qu'il s'agit d'un rôle inoubliable.

20

2006 : Une Grande Année (A Good Year). Avec Russell Crowe, Marion Cotillard, Tom Hollander, Freddie Highmore. Impitoyablement descendue en flèche par la critique, une comédie romantique légère, souriante, sans aucune prétention. On lui a reproché son avalanche de clichés sur la France, alors qu'on peut déceler une réelle tendresse du cinéaste pour ces lieux communs. On a raillé le côté « carte postale » des paysages, alors que le travail minutieux de la photographie et de la composition du cadre est palpable à chaque plan. Le film a été tourné dans le chaleureux Lubéron, où Ridley Scott possède d'ailleurs une magnifique propriété. Savoureuse et insolite confrontation de Russell Crowe et de Didier Bourdon.

21 a good year

2007 : American Gangster. Avec Russel Crowe, Denzel Washington, Chiwetel Ejidfor, Cuba Gooding Jr., Josh Brolin, Armand Assante. Une fresque de gangsters sous-estimée, offrant une vision saisissante du pourrissement de la société américaine pendant la Guerre du Vietnam. Denzel Washington impressionne par sa présence iconique. La mise en scène, ample et rigoureuse, est ponctuée de quelques morceaux d'anthologie, dont une exécution au flingue en pleine rue, d'une insolente décontraction.

22

2008 : Mensonges d'État (Body of Lies). Avec Leonardo DiCaprio, Russell Crowe, Mark Strong. Un thriller géo-politique fascinant et tendu à craquer, donnant lieu à une réflexion vertigineuse sur le pouvoir des images, à l'heure de leur démultiplication délirante et de l'omnipotence des satellites. Magistrale ironie d'un scénario dont les personnages sont constamment soumis à un regard sans jamais être réellement vus. Quand on finit par ne plus voir les autres, c'est la mort. La métaphore de l'aveuglement des sociétés occidentales rejoint ici la symbolique de l'œœil, initiée 25 ans plus tôt par Blade Runner. Chez Scott, la vue et la vie se confondent. Je vois donc je suis. Je filme donc je vis. Tel est le crédo de ce cinéaste visionnaire.

23

2010 : Robin des Bois (Robin Hood). Avec Russell Crowe, Cate Blanchett, Mark Strong, Max Von Sydow. Une fresque épique audacieuse, qui explore l'histoire de l'archer le plus célèbre du cinéma, avant sa légende de justicier au grand cœœur. Un récit âpre et passionnant, superbement interprété, mais malheureusement plombé par un montage trop elliptique déséquilibrant l'ensemble du film. En espérant qu'un director's cut redonnera à ce Robin des Bois l'équilibre et la grandeur qu'il mérite...

24

 

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